Le magasin préféré des dictateurs
Voyage au coeur de l’usine d’Anhua, qui exporte menottes, matraques, pistolets électriques…
La Mazda noire attend sur le parking souterrain de la pharaonique gare TGV de Wuxi. L’air industriel du Jiangsu picote les narines, à une heure des lumières de Shanghai. « Bienvenue, nous lance notre contact, au sourire commercial inoxydable. Moi, je suis un vendeur ! L’an dernier, j’ai écoulé pour 9 milliards de yuans [1,24 milliard d’euros] de matériel aux services de sécurité chinois. Nous exportons aussi en Iran, en Syrie, en Afghanistan » , plastronne-t-il, à peine la berline en route. Il porte une cravate fine et sombre de dandy sur une chemise aux motifs kitsch. Drôle de costume pour un vendeur de menottes. Le chauffeur silencieux enjambelegigantesqueYangTsé-kiang vers le nord, grâce à un pont vertigineux. Les eaux laiteuses du fleuve se fondent à l’horizon dans le ciel grisé de microparticules. Un petit matin blême de plus dans l’arrièrepays industriel de la plus grande métropole de Chine. Il y a cinquante ans, Mao Tsé-toung y lança le signal de la Révolution culturelle en se jetant dans ces eaux turbides, explique le guide. Son job consiste à amadouer les clients potentiels, surtout quand ils viennent de loin.
Avec les attentats, « l’Europe a peur », et la demande en matière de produits de sécurité va flamber. C’est avec cet argumentaire bateau que nous avons décroché notre rendez-vous de « prospection » avec le patron d’Anhua, gros fabricant d’ « outils de sécurité » chinois, qui siège à Jingjiang. Cette ville industrielle de près de 1 million d’âmes est spécialisée dans les appareils à air conditionné, le porc séché… et les matraques, pistolets électriques et autres boucliers antiémeutes. La faute à un ancien ministre de la Sécurité originaire de la ville, qui lança ce fructueux business au début des années 90, en favorisant ses
« Quand le monde va mal, c’est bon pour nos affaires ! » Le président d’Anhua