ALLEMAGNE LE CHOC DE POMÉRANIE
C’est le début de la fin du mandat d’Angela Merkel… Avec la morgue des vainqueurs, c’est ce que spéculent, triomphants, les nouveaux élus de l’AfD (Alternative für Deutschland) après leur score spectaculaire dans le petit Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Avec 20,8 % des voix, ce nouveau parti a dépassé la grosse formation chrétienne-démocrate (19 %), ancrée depuis l’après-guerre sur la scène politique allemande. C’est un séisme, et un camouflet pour Angela Merkel. La crise des réfugiés et les peurs sécuritaire, économique et identitaire qu’elle suscite ont permis la poussée inespérée de ce petit parti, fondé en 2013 par une poignée d’économistes nostalgiques du Deutsche Mark. Après avoir suscité les moqueries et les haussements d’épaules, l’AfD est à présent une rivale que les partis traditionnels vont devoir prendre en compte.
Au cours des six derniers mois, l’AfD a déjà fait une entrée remarquée dans trois autres parlements régionaux, la SaxeAnhalt (24,3 % des voix), dans l’ex-RDA, le Bade-Wurtemberg (15,1 %) et la Rhénanie-Palatinat (12,6 %), à l’ouest. Et elle risque fort de jouer un rôle clé lors des législatives de l’automne 2017.
Certes, les analyses du dernier scrutin le montrent, il s’agit davantage d’un vote de protestation que d’adhésion profonde : 66 % des électeurs de l’AfD reconnaissent avoir choisi ce parti parce que les autres les déçoivent ; 25 % seulement sont convaincus par les idées de l’AfD. L’analyse du report des voix montre bien que les mécontents ont abandonné la CDU, le SPD, ainsi que Die Linke, l’extrême gauche. 60 % des électeurs de la CDU qui, dépités, ont décidé de tourner le dos à la chancelière ont opté pour le petit parti populiste, qui cartonne chez les hommes entre 35 et 60 ans. Seuls les très jeunes (18-24 ans) et les très vieux (plus de 70 ans) ne se laissent pas séduire. L’Alternative für Deutschland ratisse large, dans des milieux sociaux très différents : les ouvriers, les chômeurs, les travailleurs indépendants.
Avec 1,3 million d’électeurs (60 % se sont effectivement rendus aux urnes), le tout petit Mecklembourg n’est certes pas représentatif du reste de l’Allemagne, mais plus personne ne hausse les épaules aujourd’hui
L’AFD RISQUE FORT DE JOUER UN RÔLE CLÉ LORS DES LÉGISLATIVES DE L’AUTOMNE 2017.
plonger les opposants dans un « liquide bouillant » , selon les termes d’un rapport établi par un ancien ambassadeur britannique. Une répression menée officiellement au nom d’une cause : la lutte contre l’islam radical. « Si l’un de mes enfants choisissait cette voie, je serais prêt à le décapiter » , proclamait-il. Sa succession ne devrait pas réserver de surprise. L’actuel Premier ministre, Chavkat Mirzioïev, pourrait prendre les commandes de ce pays de 31 millions d’habitants. « L’ouverture démocratique n’est pas pour demain, souligne le spécialiste Kamoliddin Rabbimov, réfugié politique. On passera au mieux d’une dictature à un régime autoritaire. »