Le Point

Et si l’altruisme était inné ?

Nous ne naissons pas égoïstes. La preuve par les neuroscien­ces.

- PAR GWENDOLINE DOS SANTOS

L’homme serait égoïste par nature. Tout acte, fût-il altruiste, serait motivé par le désir de promouvoir nos intérêts. C’est le dogme de la plupart des modèles économique­s. Nous serions fondamenta­lement égoïstes et en perpétuell­e compétitio­n les uns avec les autres. Les scientifiq­ues sont pourtant en train de montrer le contraire. L’altruisme véritable, dont le but est de contribuer au bien-être de l’autre, existe bel et bien. « Si cet altruisme procure des bienfaits à son auteur, le bénéfice pour soi-même n’est pas le but premier, il est une sorte de “bonus” de l’action altruiste » , explique Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain, docteur en génétique cellulaire et auteur de « Plaidoyer pour l’altruisme. Les forces de la bienveilla­nce » (1). Ce comporteme­nt serait inné chez l’homme et de nombreuses espèces animales, rappelle Matthieu Ricard. Si la science est en train de lui donner raison, il reconnaît qu’ « au vu des problèmes rencontrés dans la société actuelle, ce constat n’est pas d’un grand secours si on ne peut pas l’utiliser pour faire changer les choses ».

Les neuroscien­tifiques se sont donc mis en tête d’explorer les chemins qu’empruntent altruisme, empathie ou compassion dans notre cerveau pour développer ces qualités si bénéfiques à nos sociétés modernes. Capables aujourd’hui de décortique­r leur formation et les zones du cerveau qu’elles impliquent, les scientifiq­ues prennentbi­ensoindele­sdistingue­r. Démonstrat­ion : quand un bébé se met à pleurer et que ses camarades font de même, sont-ils frappés d’empathie pour leur voisin ? Non. « Il s’agit de contagion émotionnel­le, tranche Tania Singer, directrice du départemen­t des neuroscien­ces sociales à l’Institut Max-Planck de sciences humaines cognitives et cérébrales, à Leipzig, en Allemagne. Car, pour avoir de l’empathie, il faut savoir faire la différence entre soi et l’autre, savoir qu’on partage une émotion avec l’autre, maiss que celle celle-ci ci est la sienne, ce dont less bébés sont incapables. » La définition éfinition scientifiq­ue de l’empathie, hie, c’est la capacité de partager less émotions de l’autre. Il a mal, doncnc j’ai mal. La compassion, elle, incite cite à aider l’autre. Il a mal, j’aimerais erais qu’il n’ait plus mal. La compassion assion et l’empathie dépendent de deux circuits neuronaux affectifs ffectifs différents. Parallèlem­ent ment existe un autre circuit,, qui permet de comprendre par inférence cognitive leses pensées et les croyances es de l’autre : la théorie de l’esprit. Un psychopath­e, e, par exemple, manque à la fois d’empathie et de compassion, mais il est capable d’adopter une perspectiv­e cognitive lui permettant de se mettre à la place de l’autre pour le manipuler.

C’est notre capacité émotionnel­le à nous mettre au diapason avec les sentiments d’une autre personne, notre capacité à l’empathie que Tania Singer a mesurée grâce à l’IRMf, technique d’imagerie permettant de visualiser l’activité cérébrale. Elle a ainsi mis en évidence que, si nous pouvons avoir de l’empathie pour quelqu’un qui souffre, c’est parce qu’ « une partie des circuits neuronaux qui s’activent dans le cerveau de la personne qui observe sont les mêmes que si c’était à elle qu’on infligeait ces souffrance­s. La zone concernée est celle qui traite la partie affective de la douleur » , note la chercheuse. C’est sa première grande découverte, en observant en 2004 les réactions de couples : on infli infligeait des décharges électrique­s à l’un des conjoints sous les yeux de l’autre. Les résultats furent p publiés dans Science. Autre découve découverte, plus surprenant­e encore, c cette empathie, dont on nou nous vante les mérites, est-elle vr vraiment bénéfique ? Encore u une fois, non ! Pas forcément. Elle peut même se révéler délétère, et même dangereuse, quand elle devient chronique. Car cette détresse empathique, comme la nomment les scientifiq­ues,

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Connecté. Moine bouddhiste tibétain et docteur en génétique cellulaire, Matthieu Ricard se prête aux expérience­s de la neuroscien­tifique Tania Singer depuis dix ans.

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