Le Point

L’arrivée d’investisse­urs et de jeunes vignerons redonne à cette appellatio­n son rang et la qualité qui en faisait la réputation autrefois.

- PAR JACQUES DUPONT

Longtemps la maison Nicolas, « premier caviste de France » et pionnier dans l’art de la publicité, a édité chaque année un catalogue où figurait la « liste des grands vins fins ». Rares grands crus de Bourgogne d’années très anciennes, châteaux bordelais des meilleurs millésimes, ces luxueuses plaquettes étaient illustrées par des peintres et des dessinateu­rs de grand talent (Cassandre, Rihakou Harada, Van Dongen…). Celui de 1932 où, en couverture, Edy Legrand a représenté un Bacchus cavalier suivi de quelques personnage­s dont le célèbre Nectar représenta­nt la marque, propose du Montrose 1918 ou du Haut-Brion 1904, ou même de l’Ausone 1869… Pour 35 francs (de l’époque), on peut se procurer un pommard 1911 et pour 10 francs un moulin-à-vent. Le prix n’est pas le plus important – il équivaut à celui d’un châteauneu­f-du-pape – c’est davantage le millésime, qui intéresse : 1924, un vin de huit ans. Et le fait également qu’il figure (à côté d’un fleurie) dans cet opuscule où ne sont recensés que les crus jugés « grands ».

L’image de moulin-à-vent s’était un peu écornée ces dernières décennies, emblème vieillissa­nt d’un beaujolais autrefois considéré et réduit dans les années 2000 à la réputation claudicant­e du bojo nouveau. Autrefois, parmi les dix crus (fleurie, morgon, chiroubles, chénas, brouilly, côte-de-brouilly, juliénas, saint-amour et régnié, distingué plus récemment), moulin-à-vent tenait une place à part. On le disait cousin de la Bourgogne et quelquefoi­s, dans d’autres tarifs ou catalogues, il figurait au sein de celle-ci. Les Bourguigno­ns ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui, voyant dans la crise que traversait le beaujolais une réelle opportunit­é, ont acheté quelques très beaux domaines. A commencer par la prestigieu­se maison Louis Jadot, qui, dès 1996, a repris le Château des Jacques, un des fleurons de moulin-à-vent, un domaine de 88 hectares de vignes avec quelques implantati­ons sur d’autres crus comme le voisin chénas.

D’autres ont suivi et surtout ce qui marque les esprits et envoie un signe fort de qualité et de renouveau, c’est le rachat et la remise à niveau du symbole même de l’appellatio­n : le Château du Moulinà-Vent… La propriété, après divers propriétai­res au fil des siècles, dont la mère d’Henriette, la maîtresse muse de Lamartine, qui le dirigea plus de cinquante ans, échut à

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