Le numéro deux de Facebook défend un usage raisonné de la technologie.
Le bras droit de Mark Zuckerberg est à la fois claviériste dans un groupe de reggae et féru de Nietzsche comme des ballets de Stravinsky. Ce jour-là, Chris Cox, barbe d’un jour et veste droite, est venu visiter, après un déjeuner au restaurant Le Laurent, l’école 42. En enjambant les matelas qui jonchent les couloirs de cette école d’informatique du nord-ouest de Paris, il retrouve le même esprit camping qu’aux débuts de Facebook, qu’il a rejoint en 2005. « Nous n’étions qu’une trentaine et, pour réparer le site en cas de souci, nous vivions sur place », se souvient le chief product officer de Facebook, aujourd’hui à la tête d’une fortune estimée à 135 millions de dollars. Dix-huit minutes à peine après le début de l’interview, ce geek éclectique lâche, contre toute attente : « Ce sont les humains et non les machines qui doivent programmer les logiciels. Les humains doivent avoir le dernier mot. » Une affirmation rassurante alors que, moins d’une semai n e p l u s t ô t , s u i v a n t l e s recommandations « antinudité » d’un algorithme maison, Facebook supprimait des posts diffusant le célèbre cliché en noir et blanc d’une petite Vietnamienne nue brûlée au napalm. Une censure qui a suscité une bronca mondiale. Le rés e a u s o c i a l a u 1 , 7 mi l l i a r d d’utilisateurs a finalement reconnu le « statut emblématique et d’importance historique du cliché » et rétabli les posts supprimés. Alors, est-ce l’homme ou la machine qui doit faire la loi sur la plus grande plateforme d’information mondiale ? Réponse de Cox : « La technologie ne doit pas nous éloigner les uns des autres. »
Et dire que la figure historique du réseau social a bien failli ne jamais travailler chez Facebook. Né à Atlanta d’un père comptable et d’une mère prof d’anglais, Cox a grandi à Winnetka, 12 000 âmes, en banlieue de Chicago. Winnetka, ses hot dogs, sa plaque commémorant le discours de Martin Luther King de 1965, son lycée fréquenté par Donald Rumsfeld… Fan de science-fiction, il passe sa jeunesse devant les écrans, avant d’intégrer Stanford, où il étudie le traitement automatique du langage et suit la spécialisation sur le symbolic system, qu’a également suivie le cocréateur de LinkedIn, Reid Hoffman.
Le voilà donc promis à une brillante carrière de spécialiste en sciences cognitives, sauf que son colocataire n’est autre qu’Ezra Callahan, qui fait partie des dix premiers geeks recrutés par Facebook, et chaque soir celui-ci revient tout sourire à l’appartement. Ezra l’encourage à rencontrer Dustin Moskovitz, un des cocréateurs de Facebook avec Mark Zuckerberg. Au début Chris résiste. Puis se rend dans les locaux de la start-up, alors située à Palo Alto. « J’ai compris que je pourrais créer une carte, non des endroits, mais des gens et des relations entre les humains. » Une motivation suffisante pour quitter des études pourtant prometteuses : Chris sera un drop out comme Zuckerberg.
Depuis, chez Facebook, les algorithmes n’ont cessé de prendre de l’importance. Un des principaux