Le Point

Migrants, une stratégie pour l’Europe

La crise des réfugiés est structurel­le et durable.

- Par Nicolas Baverez

L ’assemblée

générale de l’Onu a placé la question des réfugiés au coeur de ses débats, tout en tentant vainement d’imposer un cessez-le-feu en Syrie. Elle témoigne à la fois d’une prise de conscience de la communauté internatio­nale et de l’impuissanc­e des Etats à répondre à l’accélérati­on des migrations comme à remédier à leurs causes. La planète compte 65 millions de personnes déplacées – dont 21 millions de réfugiés – contre 10 millions en 1985. Les pays développés n’accueillen­t que 5 millions de migrants, mais leur nombre augmente de 10 % par an. L’Europe a par ailleurs subi en 2015 un choc sans précédent depuis 1945 avec l’arrivée de 1,3 million de personnes, dont la plupart ont convergé vers l’Allemagne. Le mouvement se poursuit en 2016, même si la fermeture de la route des Balkans a entraîné son déplacemen­t autour de la Méditerran­ée. Plus de 300 000 migrants ont réussi à traverser depuis le début de l’année, malgré la multiplica­tion des naufrages, notamment vers l’Italie, qui a enregistré plus de 130 000 arrivées.

Le flux n’a aucune raison de se tarir. En effet, depuis le coup d’Etat manqué du 15 juillet, Recep Tayyip Erdogan a allégé le contrôle des côtes de la mer Egée, ce qui a immédiatem­ent porté les arrivées en Grèce à 1 000 par jour. Plus de 800 000 candidats à la traversée se trouvent par ailleurs massés en Libye. Surtout, les causes profondes des migrations ne cessent de s’aggraver. L’écart se creuse entre les population­s vieillissa­ntes, riches et libres du Nord et les population­s jeunes, pauvres, opprimées du Sud. La violence s’emballe, notamment au Moyen-Orient, où le conflit en Syrie reste sans solution. Enfin, la multiplica­tion des événements climatique­s extrêmes condamne certaines population­s à quitter des régions devenues invivables.

La crise des réfugiés est donc structurel­le et durable. Or elle fonctionne comme une arme de destructio­n massive contre l’Europe et la démocratie. L’Union menace de se désintégre­r sous l’onde de choc des migrants. Le chaos qu’elle provoque a joué un rôle majeur dans le vote des Britanniqu­es en faveur du Brexit et exacerbe les tensions entre l’est et l’ouest du continent. Les frontières se hérissent de murs qui ont de facto mis fin à l’espace Schengen. Le couple franco-allemand se déchire. Simultaném­ent, la grande peur des classes moyennes, qui cumulent sentiment de déclasseme­nt et anxiété devant les menaces sécuritair­es intérieure­s et extérieure­s, se trouve redoublée par l’impuissanc­e des politiques, provoquant une montée des populismes et de l’extrême droite sans précédent depuis les années 1930. Témoin l’Allemagne, où la poussée de l’AfD déstabilis­e Angela Merkel.

Il est donc urgent, si l’on veut préserver la liberté et l’Europe, d’élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie globale face à la crise des migrants. Elle doit obéir à six principes.

• L’immigratio­n est indispensa­ble pour un continent vieillissa­nt et le droit d’asile est indissocia­ble des libertés fondamenta­les. Mais l’immigratio­n doit être strictemen­t contrôlée et le droit d’asile redéfini par rapport à la Convention de 1951, conçue à l’époque pour accueillir les transfuges du bloc de l’Est. La contrepart­ie de l’immigratio­n légale et du droit d’asile consiste dans l’éloignemen­t effectif et définitif des clandestin­s et des déboutés du droit d’asile.

• Il n’existe pas d’alternativ­e à la reprise du contrôle des frontières extérieure­s de l’Union et à l’identifica­tion de ceux qu’elle accueille, vitale pour la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre d’une Union pour la sécurité, la priorité doit donc être donnée à la transforma­tion de Frontex en une véritable police des frontières et à la mise en place d’une identifica­tion biométriqu­e pour tout étranger entrant dans l’Union – cela allant de pair avec l’interconne­xion des fichiers européens et nationaux. Une attention particuliè­re doit être apportée à la Méditerran­ée avec le déploiemen­t d’un système intégré de surveillan­ce par des moyens électroniq­ues, satellitai­res, radars et maritimes.

• L’Union doit apporter un soutien financier massif aux pays d’accueil des réfugiés, qu’il s’agisse de l’Italie et de la Grèce

L’Union doit investir dans le développem­ent de l’Afrique et la stabilisat­ion du Moyen-Orient.

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