Le Point

Les animaux pensent, eux aussi

Frans de Waal livre de nouvelles données sur l’intelligen­ce animale.

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Notre imaginaire reste dominé par la conception de « l’animal-machine » de Descartes. Est-ce propre à l’Occident ? Frans de Waal :

La science ne croit pas vraiment en la dichotomie cartésienn­e entre l’esprit et le corps ou entre l’homme et l’animal. Il n’y a rien dans le cerveau humain qui diffère radicaleme­nt de celui d’un singe. Ainsi, pour le biologiste, l’intelligen­ce humaine est une variation de l’intelligen­ce animale. Nous avons un ordinateur plus puissant, plus grand, mais pas différent. Et, bien sûr, le concept de « l’âme » Oui, je crois que la langue est une capacité uniquement humaine, pas la communicat­ion – beaucoup d’animaux sont très bons en cela –, je parle de la communicat­ion symbolique, qui est notre spécialité. Mais la langue ne pense pas, elle dépend de la pensée, et celle-ci peut se faire sans langage. Les animaux résolvent des problèmes complexes sans parler. Tout ce qu’ajoute la langue est de nous aider à communique­r nos pensées.

Après avoir passé des décennies à étudier les animaux, avez-vous vu évoluer notre relation à l’animal ?

Le regard sur l’animal a changé. Ma propre recherche et les livres que j’écris contribuen­t à ce changement. Je suis un membre du conseil de Chimp Haven, un sanctuaire qui reçoit beaucoup de chimpanzés de laboratoir­e et les met à la retraite dans de grandes îles boisées en Louisiane. Mais le problème principal est celui du sort réservé au bétail. Les animaux de ferme se comptent en milliards, mais nous ne les voyons jamais. Ils sont comme invisibles. Ce qui freine la prise de conscience.

Qu’avez-vous appris sur l’intelligen­ce humaine ?

Les neuroscien­ces animales montrent combien d’eux est en nous, et combien de nous est en eux. Même les rats sont souvent utilisés pour modéliser les neuroscien­ces humaines. Essentiell­ement, tous les cerveaux des mammifères fonctionne­nt de la même manière. Cependant, l’intelligen­ce universell­e n’existe pas, chaque espèce a ses propres besoins et spécialisa­tions. C’est ce que nous avons appris au cours des vingt-cinq dernières années avec les études animales. Prenez par exemple Ayumu, un jeune chimpanzé mâle à l’Institut de primatolog­ie de l’université de Kyoto, au Japon. En 2007, il a réussi

 ??  ?? « Sommes-nous trop “bêtes” pour comprendre l’intelligen­ce des animaux ?  », de Frans de Waal (Les liens qui libèrent, 408 p., 24 €). Parution le 5 octobre.
« Sommes-nous trop “bêtes” pour comprendre l’intelligen­ce des animaux ? », de Frans de Waal (Les liens qui libèrent, 408 p., 24 €). Parution le 5 octobre.

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