L’auteur du « Bûcher des vanités » publie ses portraits des années 1960. Mohamed Ali, les Beatles, Natalie Wood… Rencontre à New York, et extraits exclusifs.
«A ppuyez sur le 14e », indique le portier en livrée à l’entrée de l’immeuble, sans plus de précisions. Effectivement, c’est inutile, l’ascenseur arrive directement dans l’appartement qui occupe tout l’étage avec vue imprenable sur Central Park. A 85 ans, Tom Wolfe nous attend, vêtu, bien sûr, de son célèbre costume blanc qu’il porte été comme hiver (il en possède, dit-il, 37) et de ses chaussures bicolores. L’écrivain a toujours aimé attirer l’attention. Son bureau plein d’antiquités fait penser à un intérieur bazalcien plein de souvenirs, avec, de-ci de-là, quelques notes fantaisistes, comme les abat-jour en forme de chapeau wolfien ou les innombrables portraits qui le représentent. Son favori est une planche de BD où il est dessiné au côté d’un superhéros.
S’il est surtout connu comme romancier depuis le succès mondial du « Bûcher des vanités », Tom Wolfe a d’abord été l’un des pionniers de ce qu’il avait baptisé en 1973 le « nouveau journalisme » : de longs reportages, écrits dans une prose très libre, où l’auteur se met en scène, à la première personne. Il a ainsi arpenté le pays dans l’effervescence culturelle des années 1960 racontant, à travers des chroniques savoureuses qui sont publiées en français ce mois-ci sous le titre « Où est votre stylo ? » (d’après une remarque de Mohamed Ali à un quinquagénaire sudiste condescendant venu lui arracher un autographe), ses rencontres avec Hugh Hefner, le fondateur de Playboy, les concerts des Stones ou son incursion hilarante dans les milieux de l’art. Et dire que tout a failli mal commencer…
Le Point : Vous êtes une légende du reportage. Pourtant, il paraît qu’au début vous étiez « bloqué »… Tom Wolfe :
C’est vrai. Les quotidiens étaient en grève à New York et j’ai eu l’idée de proposer à Esquire un sujet sur les voitures customisées. Je n’avais jamais écrit pour un magazine. J’ai fait des recherches et me suis rendu à Los Angeles. Et puis, au moment d’écrire, ça a été le blocage. J’ai paniqué. Il y a beaucoup de gens qui écrivent de merveilleuses lettres à un ami. Mais demandez-leur d’écrire un article et ils sont paralysés. Je finis par appeler le rédacteur en chef, Byron Dobell, et d’une voix lasse il me dit : « Bon, eh bien rédige tes notes et je trouverai un journaliste compétent pour les mettre en forme. » Alors un soir, le coeur lourd, je commence à décrire ce que j’avais vu. « Cher Byron, le premier véritable aperçu des voitures customisées que j’ai eu, c’est à un rassemblement appelé la foire des ados à Burbank, une banlieue de Los Angeles derrière Hollywood. » J’ai écrit