Riccardo Tisci, le magicien du street luxe
Rencontre avec le très discret et charismatique directeur artistique de la maison Givenchy.
En juillet, rendez-vous est pris avec Riccardo Tisci. Il nous reçoit dans les tout nouveaux locaux – un immense appartement haussmannien – de la maison de couture qui abritent son bureau, les studios de création et des salons. L’aménagement n’est pas complètement terminé. Dans l’entrée, ballons de basket, planche de surf, portants remplis de housses à vêtements et piles de magazines du monde entier attendent de trouver leur place. Le salon de réception est, quant à lui, fin prêt, agencé avec du mobilier signé Gio Ponti et Carlo Mollino.
Enfant pauvre élevé en Italie par sa mère veuve – elle assiste religieusement à tous les défilés Givenchy – et ses huit soeurs, formé dans la meilleure école de mode au monde, le Central Saint Martins College of Art and Design de Londres, auteur de défilés clandestins au climat gothique à Milan et vivant de collaborations avec des marques telles que Puma ou Ruffo, il fut repéré puis engagé par Givenchy, où il officie depuis onze ans. Autant dire une éternité dans ce milieu qui voit les créateurs passer de maison en maison en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. « Au début, je ne comprenais pas bien pourquoi une maison de couture à l’image très chic, avec comme icône Audrey Hepburn, était venue chercher un designer à l’univers dark, punk, gothique, se souvient-il. Une fois installé, j’ai découvert le travail d’Hubert de Givenchy avant l’époque Hepburn : des collections aux lignes aristocratiques, ultraraffinées et très mystérieuses. Je me suis dit : voilà quelque chose de très intéressant. »
Même s’il se qualifie de « rêveur », Riccardo Tisci est un bosseur. Il sait parfaitement ce qu’il veut pour Givenchy. Aujourd’hui, avec son style gothique chic, son constant va-et-vient entre esprit tailleur et références sportswear, ses teeshirts et sweat-shirts ornés d’un rottweiler gueule ouverte, d’une icône de madone ou du motif oiseaux de paradis, son goût pour les fluidités gipsy et sa passion pour les imprimés – ceux de l’hiver font référence à l’Egypte –, la maison a renoué avec le succès. Le créateur de mode l’assume : il aime le blanc et le noir. Pas ce qui est au milieu. Pour lui, la haute couture est importante et continue d’exister. « Ce sont des pièces uniques, à l’image d’un tableau. J’ai beaucoup de respect pour le travail des ateliers qui passent des heures à façonner, coudre, couper. La haute couture est un champ d’expérimentation pour moi », confie le designer. Il distille certaines de ces créations pour happy fews lors de ses défilés masculins. A ce titre, il modernise en douceur les lignes qui ont fait la réputation de la griffe. Les collections de