A Emmendingen, un musée expose les journaux tenus par les militaires allemands dans la France occupée. Un livre les publie aujourd’hui. Reportage et extraits.
Emmendingen, Forêt-Noire : c’est ici, dans cette paisible cité qui héberge les Archives allemandes du journal intime, que l’historienne francoallemande Jeanne Guérout est venue en 2015 préparer l’édition de « Comme un Allemand en France ». Ce livre pionnier rassemble près de 250 missives rédigées par des membres de la Wehrmacht ayant stationné en France entre 1940 et 1944. « Comment vivait l’occupant, que pensait-il des Français, quel regard posait-il sur eux ? La réponse est dans les lettres envoyées aux familles » , explique une autre coauteure de l’ouvrage, Aurélie Luneau. De toute l’Europe, il en fut écrit près de 28 milliards par les porte-flingues du Reich triomphant.
L’ennemi n’a pas qu’un seul visage. « Comme un Allemand en France » propose un panel très varié : on passe du nazi convaincu, qui stigmatise la saleté de la « grande nation » française, à l’humaniste attentif au moindre détail de Notre-Dame de Paris. Du jeune de 17 ans qui découvre la mer en Normandie à un aviateur déprimé qui développe une phobie de l’eau. Arrivés avec leurs clichés sur la France – femmes trop maquillées, douceur de vivre, fermes mal tenues –, les soldats les voient souvent confirmés. L’absence de signataires membres des SS, de la Gestapo ou d’autres services s’explique aisément : les familles ne se sont pas précipitées pour faire don de leurs lettres. Le titre est une allusion à l’expression allemande « Vivre comme Dieu en France », popularisée dans les années 1930 par le livre de Friedrich Sieburg, « Gott in Frankreich ? ». Un pays de cocagne, en effet, où il ressort de ces courriers que les soldats font des courses pour leurs femmes (lingerie, parfum, chocolat…) auprès de commerçants accueillants. C’est le point qui soulèvera le plus de discussions : le comportement neutre ou aimable des Français à l’égard des occupants, qui s’en font l’écho dans leurs lettres. Au fur et à mesure du dépouillement, Aurélie Luneau, pourtant spécialiste de la résistance civile française, s’est étonnée elle-même de cette passivité. « Est-on plus près du “Silence de la mer” ou des 100 000 “enfants de Boches” qui sont nés ? » s’interroge le troisième coauteur, Stefan Martens, directeur adjoint de l’Institut historique
Sujet à polémique : le comportement neutre ou aimable des Français à l’égard des occupants, qui s’en font l’écho dans leurs lettres.