Chômeurs made in France
Contrairement aux idées reçues, la mondialisation a bien profité aux pays occidentaux. Seule la France connaît encore un chômage de masse.
«La
mondialisation, c’est faire fabriquer par des esclaves pour vendre à des chômeurs », avait affirmé un jour Marine Le Pen. La formule est, il faut l’avouer, bien troussée, parlante, percutante. Elle sonne en vérité d’autant mieux qu’elle tape sur du creux et cogne dans le vide. D’abord parce que lesdits « esclaves » ne partagent pas du tout, sur la mondialisation, le jugement négatif exprimé par la présidente du FN, qui concurrence désormais le chanteur Bono et le pape François comme porte-parole de tous les pauvres et de tous les opprimés de la planète – à condition, bien sûr, qu’ils restent sagement chez eux.
Selon un tout récent sondage effectué par le centre de recherche américain Pew Research Center, 60 % des Chinois considèrent que l’intégration de leur pays dans l’économie mondiale a été « une bonne chose ». Inconséquents et aveugles « esclaves », qui se satisfont à une très large majorité de leur sort misérable et se réjouissent vulgairement de la hausse de leur niveau de vie ! Sourds aussi, pour ignorer l’appel à se révolter que leur lance Marine Le Pen, qu’on savait héritière d’Hubert Lambert, mais pas de Marx et de Lénine. Mme Le Pen affirme être à l’écoute des peuples, mais elle les entend surtout quand ils disent la même chose qu’elle.
Quant à l’argument massue, inlassablement brandi par le FN, mais aussi par MM. Mélenchon, Dupont-Aignan, Montebourg, Guaino, par les communistes, la CGT, FO, les Verts, les frondeurs du PS, etc., selon lequel la mondialisation libérale est directement responsable du chômage dans notre pays, il a beaucoup de mal à résister au constat suivant : parmi les six premières puissances économiques de la planète, seule la France connaît encore un chômage de masse (10 %). Toutes les autres grandes et vieilles nations industrialisées ont aujourd’hui renoué avec le plein-emploi, avec des taux de chômage (source OCDE) de 5 % aux Etats-Unis, de 4,2 % en Allemagne, de 4,8 % au Royaume-Uni ou encore de 3,1 % au Japon. De toute évidence, nos 3,5 millions de chômeurs ne sont pas les victimes de la mondialisation, ils sont plutôt les victimes de l’incapacité de nos gouvernements successifs à créer un environnement social, réglementaire, juridique et fiscal permettant à la France d’en tirer profit.
Dans une étude qu’il vient de publier, l’économiste de Natixis Patrick Artus a cherché à répondre, de façon précise et chiffrée, à cette question objectivement plus importante, pour les Français, que celle de savoir si leurs ancêtres étaient bien les Gaulois : l’ouverture du commerce avec les pays émergents depuis 1990 a-t-elle été favorable ou défavorable aux économies occidentales en général et française en particulier ?
D’abord, nul ne conteste, pas même les « ultramondialistes » et encore moins les statistiques, que la concurrence des pays émergents a fait perdre des parts de marché aux pays occidentaux sur leurs marchés intérieurs. Un seul exemple : la part de la Chine sur le marché des vêtements vendus dans l’Union européenne a été multipliée par quatre en vingt ans. Selon Natixis, cette perte de production aurait coûté, entre 1990 et 2016, 3,7 points
« L’ouverture du commerce avec les émergents a eu un effet net positif dans la zone euro et en France. » Patrick Artus