Paris, la vie rêvée des émirs
Les autorités ferment les yeux sur des comportements extravagants. Enquête.
«L es gars, on lève le camp », lance l’officier de police à ses troupes en raccrochant son téléphone. Arrivés deux heures plus tôt, ce 29 septembre, au 81, avenue Foch, propriété du roi Salmane d’Arabie saoudite dans le 16e arrondissement de Paris, les enquêteurs de la 1re DPJ doivent rebrousser chemin sur ordre de leur hiérarchie. « C’était trop beau », soupire l’un d’eux, bredouille. A 9 heures, ce matin-là, il s’était présenté avec ses collègues à la réception de la résidence : la famille royale occupe les trois derniers étages de l ’ i mmeub l e , s o i t 1 300 mètres carrés. Depuis le 26 septembre, la princesse Houssa, 42 ans, fille unique du monarque saoudien, est mise en cause par un artisan parisien qui l’accuse d’avoir ordonné à ses gardes du corps de le battre. L’enquête est sensible. Le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice sont informés très rapidement, le Quai d’Orsay, puis la cellule diplomatique de l’Elysée également. « Quand une personne de cette qualité est mise en cause, l’affaire est immédiatement signalée » , décrypte un des protagonistes au sommet de l’Etat. Signalée à l’autorité politique, car le simple fait divers peut en effet virer à l’imbroglio diplomatique.
Grâce à la mansuétude du parquet de Paris, qui dirige l’enquête, l’héritière de la dynastie des Saoud a pu regagner Londres juste après la « visite » de la PJ. Et ce sans être inquiétée outre mesure, malgré l’article 61 du Code de procédure pénale, qui permet d’empêcher « toute personne de s’éloigner du lieu de l’infraction jusqu’à la clôture de l’enquête », et alors qu’elle ne bénéficie d’aucune immunité. Même si la princesse n’a pas directement participé aux délits reprochés à son garde du corps – il est aujourd’hui mis en examen pour violences avec arme, menaces de mort, vol et séquestration, et écroué à la prison de Fresnes –, elle aurait dû rester à Paris au moins le temps de la procédure ouverte en flagrance. Les policiers ont tenté de sauver les apparences : perquisition, placement en garde à vue. « Mais son procès-verbal d’audition ne comporte que deux mentions : “je ne dis rien ”, “je ne signe