Le Point

L’Histoire écrite par les BRICS

Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud prouvent leur capacité à agir. A l’inverse du G7.

- Par Nicolas Baverez

Au

lendemain de leur 8e sommet, qui s’est tenu à Goa les 15 et 16 octobre, et alors que la démondiali­sation a le vent en poupe, les BRICS peuvent sembler appartenir au passé. Leur spectacula­ire ascension serait indissocia­ble de la période de la mondialisa­tion triomphant­e qui s’est ouverte en 1989 et a pris fin avec le krach de 2008. A preuve, Goldman Sachs a clos ses fonds BRICS après la perte de 88 % de leur encours depuis 2010. De fait, depuis le début de la décennie, les BRICS ont connu un sévère coup d’arrêt, à la notable exception de l’Inde, dont l’activité progresse de 7,6 % malgré ses blocages bureaucrat­iques, la pénurie d’infrastruc­tures et l’improducti­vité chronique de son secteur public. La Chine, pour sa part, gère la fin de ses Trente Glorieuses. La croissance a chuté de 14 % en 2007 à 6,7 % cette année. Encore l’atterrissa­ge ne doit qu’à la hausse de la dette et à la constituti­on d’une dangereuse bulle immobilièr­e de n’être pas plus brutal. Dans le même temps, la production et les exportatio­ns freinent tandis que les sorties de capitaux restent massives.

L’évolution récente du Brésil, de la Russie et de l’Afrique du Sud est plus inquiétant­e encore. Le Brésil traverse la crise la plus sévère depuis les années 1930 : chute de l’activité de 3,8 % en 2015 et 3 % en 2016, quasi-doublement du chômage de 6,5 à 11,8 %. Le tout sur fond d’une implosion du système politique. La Russie connaît également une rude récession avec une diminution du PIB de 3,7 % en 2015 et 1,8 % en 2016. Son modèle économique fondé sur la rente des hydrocarbu­res, qui représente­nt plus de 70 % des exportatio­ns et 50 % des recettes publiques, a été frappé de plein fouet par la chute des prix. Les sanctions internatio­nales et la hausse continue du budget de la défense ont porté le coup de grâce à une économie archaïque. Enfin, l’Afrique du Sud stagne sur fond d’un chômage explosif qui touche 36 % de la population active et d’une corruption sortie de tout contrôle.

Au-delà de leur trou d’air conjonctur­el, l’unité des BRICS n’a jamais paru aussi fictive, masquant des différence­s fondamenta­les de puissance et d’intérêts. Leurs structures politiques sont radicaleme­nt hétérogène­s entre les deux démocratie­s – Inde et Brésil – , les démocratur­es chinoise et russe ainsi que la kleptocrat­ie sud-africaine. Enfin, les tensions sont vives, notamment entre la Chine et l’Inde. Pour toutes ces raisons, et compte tenu de la percée d’une nouvelle vague de pays tels que l’Indonésie et le Vietnam en Asie, le Mexique et la Colombie en Amérique latine, le Nigeria en Afrique, la notion de nations émergentes semble avoir vocation à supplanter l’improbable

Les BRICS ne peuvent être réduits à un forum de circonstan­ce entre des puissances hostiles à l’Occident.

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