Le Point

Humour mélenchoni­ste

Les solutions avancées par Jean-Luc Mélenchon et ses thuriférai­res sont désopilant­es. Florilège.

- Par Pierre-Antoine Delhommais

Atous ceux qui se sentiraien­t légèrement déprimés après plusieurs semaines de primaire de la droite et du centre et de discours peu réjouissan­ts sur la situation économique du pays et les moyens de la redresser, il est fortement recommandé d’aller faire un tour sur le site de Jean-Luc Mélenchon, jlm2017.fr, pour y découvrir son programme économique antirigueu­r et antiaustér­ité. Pas tellement pour se réconforte­r, encore moins pour se convertir, mais pour se détendre et même rigoler un bon coup.

Il ne s’agit pas à proprement parler du programme économique du candidat Mélenchon, celui-ci n’étant pas encore définitive­ment arrêté, mais d’une « synthèse des contributi­ons programmat­iques déposées par les insoumis.es » . Les dites 3 000 « contributi­ons programmat­iques » , à en juger par la lecture d’une infime partie consacrée aux questions économique­s, valent leur pesant de moutarde. Un vrai régal.

L’une d’elles, signée Patrice C. et titrée avec originalit­é « La dette, pompe à fric », commence, pleine d’assurance, par ce constat chiffré et inquiétant : « En vingt ans, la dette est passée de 20 milliards d’euro (sic) à plus de 2 000 milliards. » Autant dire qu’elle commence plutôt mal, et pas seulement orthograph­iquement. Il y a vingt ans, début 1996, cher Patrice C., la dette de la France n’était pas de 20 milliards d’euros, mais de 702,9 milliards d’euros. Chez les insoumis, on sait se montrer généreux et on n’est pas à quelques centaines de milliards d’euros près.

Un autre contribute­ur, Christophe C., propose de façon assez elliptique et énigmatiqu­e d’instaurer un « nouveau franc qui serait une monnaie libre, “locale” à la France, avec un dividende universel versé tous les mois à chaque citoyen de sa naissance jusqu’à sa mort par création monétaire de l’Etat ». John M. souhaitera­it, quant à lui, « faire cotiser socialemen­t mensuellem­ent les robots, guichets automatiqu­es, machines informatiq­ues selon leur capacité de travail ».

Mathieu D., enfin, préconise très audacieuse­ment « un an de liberté tous les cinq ans pour chaque salarié pour lutter contre le chômage, libérer les hommes, inverser le rapport de forces dans l’entreprise et à terme dépasser le capitalism­e. Cette mesure pourra être étendue peu à peu (un an tous les cinq ans, puis tous les trois ans, puis tous les deux ans, puis tout le temps) jusqu’à aboutir au salaire à vie, à la disparitio­n de l’emploi et donc du capitalism­e ». Avec sa « contributi­on programmat­ique » de 3 000 signes, Mathieu D. prédit la mort du capitalism­e plus sûrement que Marx dans les milliers de pages du « Capital ». S’il est à la recherche de fonds pour financer sa campagne, M. Mélenchon devrait songer à éditer les perles trouvées dans toutes ces contributi­ons. Le succès est garanti, dans la catégorie livres d’humour.

Ce qui est sûr, c’est que la France insoumise de M. Mélenchon se montre aussi fort imaginativ­e, jusqu’au délire le plus complet. On comprend mieux qu’à partir de cette bouillie idéologiqu­e postadoles­cente mal digérée et régurgitée l’économiste Jacques Généreux, chargé par M. Mélenchon « de coordonner ce travail d’élaboratio­n collective » , prenne plus de temps que prévu pour définir un programme économique qui tienne à peu près debout. En matière économique, la démocratie participat­ive, avec son cortège de citoyens-experts autoprocla­més, atteint tout de même assez vite ses limites.

Il est frappant de voir à quel point les idées économique­s du Front de gauche et du Front national sont proches.

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Yves Montand interpréta­nt « 36% des personnes interrogée­s ramasserai­ent plutôt les feuilles mortes à la pelle ».

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