L’autre rupture de Fillon
Ce qu’il pourrait changer dans la politique de la France.
«C hère Angela, en cette fin de campagne électorale, j’ai une pensée affectueuse pour toi, qui livres un nouveau combat. Avec sagesse et courage, tu as su gouverner en temps de crise et faire face à tes responsabilités européennes. » C’était il y a trois ans. François Fillon écrivait un petit mot à la chancelière allemande pour lui souhaiter bonne chance. Ce n’est évidemment qu’une coïncidence. Mais ce 20 novembre, alors que François Fillon avançait de quelques cases sur le chemin qui pourrait le conduire à l’Elysée en mai, de l’autre côté du Rhin, Angela Merkel annonçait qu’elle se présentait pour un nouveau mandat.
Si Merkel et Fillon se retrouvent l’une et l’autre à la tête de leur pays dans les années qui viennent, il n’y aura pas de phase de rodage entre eux. Ils se connaissent très bien. Pendant ses cinq ans à Matignon, Fillon a été un interlocuteur régulier des chefs de gouvernements européens. En 2009, ceux-ci ont même sérieusement envisagé de confier à Fillon le poste de président du Conseil ou de la Commission.
Les convictions européennes de Fillon ne sont pourtant pas celles d’un « pur » fédéraliste tendance Delors. En 1992, il a voté non au référendum de Maastricht et ne regrette rien de ce vote ( « L’Histoire m’a donné raison » , aime-t-il répéter, lire ci-contre). Il se veut aujourd’hui « europragmatique » . En clair, oui à l’Europe, mais pas n’importe comment. Concrètement, il défend le concept de « souveraineté européenne » face à la Chine et aux Etats-Unis. Il F. Fillon, 9 mai 2016. revendique surtout davantage de pouvoirs pour les Etats membres face à une Commission à qui il veut retirer certaines prérogatives. Il souhaite aussi construire une relation forte entre la France et la Grande-Bretagne lorsque cette dernière ne sera plus membre de l’UE.
Liban, Iran, Irak… Ces derniers mois, François Fillon a beaucoup voyagé. Sans doute pour peaufiner sa posture présidentielle. Mais pas seulement. Fillon est en effet convaincu depuis longtemps que l’émergence de Daech est le signe d’une troisième guerre mondiale et qu’il revient à l’Occident d’éviter le chaos. Au Liban comme en Irak, il a multiplié les visites aux réfugiés chassés par Daech et surtout aux chrétiens d’Orient. Il estime que la France doit retrouver son rôle de protectrice des minorités chrétiennes dans la région. En Iran, il a rencontré l’ancien président de la République islamique Raf s a ndj a ni , q ui a r e f us é l a présence des juifs en Palestine, en lui expliquant que « chasser les chrétiens et les juifs de la région provoquerait en retour une grave crise avec les musulmans sur le sol européen » .
C’est d’ailleurs avec ce logiciel qu’il défend sa position favorable à la Russie. Il milite pour la levée des sanctions européennes contre Moscou et ne cache pas sa proximité avec Vladimir Poutine, en qui il voit un allié naturel contre Daech. Pour lui, il faut passer l’éponge sur l’Ukraine et l’annexion de la Crimée puisque Moscou a pris ses responsabilités en Syrie. C’est, dit-il, la seule puissance crédible susceptible d’éviter l’effondrement du régime syrien qui, selon lui, « ouvrirait les portes de Damas à Daech ». S’il est élu à l’Elysée, en mai, ses positions clairement prorusses marqueront une vraie rupture avec la politique de la France depuis 2011.
Et Trump ? Même s’il dénonce depuis longtemps une Europe sous la « domination complète des EtatsUnis », Fillon préserve son éventuelle future relation avec le président américain élu : « Donald Trump, dit-il, est le candidat du Parti républicain, qui n’a rien d’un parti populiste et qui n’est pas d’extrême droite. » Prudence, prudence
Liban, Iran, Irak… Ces derniers mois, François Fillon a beaucoup voyagé.