Le Point

L’amour, la mondialisa­tion,

Emmanuel Macron se livre dans « Révolution », un récit politique, mais pas seulement.

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« Je me souviens… » Ma grand-mère était une enseignant­e, et je voudrais en l’écrivant débarrasse­r ce mot de sa poussière administra­tive, pour lui rendre l’éclat d’une passion vive, vécue avec un dévouement, une patience admirables. Je me souviens des lettres de ses anciennes élèves, de leurs visites. Elle leur avait montré ce chemin où l’on passe du savoir à la liberté. Ce n’était pas d’ailleurs un chemin de ronces : après les cours, on buvait du chocolat chaud en écoutant Chopin, en découvrant Giraudoux. Ma grand-mère venait du même milieu que ses élèves, filles d’artisans ou d’agriculteu­rs de Picardie. Elle les conduisait par les étapes qu’elle avait connues et leur ouvrait la porte de la connaissan­ce, du beau, peut-être de l’infini.

Il y avait alors, dans les familles, beaucoup de préjugés à combattre. Rien ne la découragea­it, parce que son tempéramen­t était optimiste, sans doute, mais surtout parce qu’elle savait, pour l’avoir éprouvé personnell­ement, que ce qu’elle voulait transmettr­e était le meilleur de ce qu’on nomme une civilisati­on, et que c’était notre honneur collectif de ne pas supporter que les filles en fussent privées.

J’aurai peut-être été son dernier élève. A présent qu’elle n’est plus, il n’est pas de jour où je ne pense à elle et où je ne cherche son regard. Non que je veuille y trouver une approbatio­n qu’elle ne peut plus me donner, mais parce que j’aimerais, dans le travail que j’ai à faire, me montrer digne de son enseigneme­nt. J’y ai souvent pensé, ces dernières années, à propos de jeunes musulmanes voilées, à l’école ou à l’université. Il me semble qu’elle aurait déploré que la pression de l’obscuranti­sme empêche ces jeunes filles d’accéder au vrai savoir, celui qui est libre et personnel. Mais parce qu’elle avait voué sa vie à l’éducation des filles, et avait pu mesurer combien celle-ci n’allait pas de soi, même dans un pays comme le nôtre, je crois qu’elle aurait déploré que nous ne puissions rien trouver de mieux que l’interdicti­on, l’affronteme­nt, toute cette hostilité si contraire dans sa nature à ce qu’il faut faire entrevoir. En ce domaine, on ne fait rien de bien sans amour. Et j’ai eu cette chance. Je me souviens de son visage. De sa voix. Je me souviens de ses souvenirs. De sa liberté. De son exigence. De ces matins tôt où j’allais la rejoindre dans sa chambre et où elle racontait ses anecdotes de guerre, ses amitiés. Enfant, je reprenais chaque jour le fil de la discussion interrompu­e et je voyageais dans sa vie comme on reprend un roman. Et l’odeur du café qu’elle allait préparer parfois dès le milieu de la nuit. Et la porte de ma chambre entrouvert­e dès 7 heures le matin lorsque je n’étais pas encore venu la rejoindre, s’exclamant avec une inquiétude feinte : « Tu dors encore ? » De tout ce que je ne veux pas écrire et qui nous lie indéfectib­lement.

Avec mes parents, les discussion­s tournaient aussi autour des livres. C’est auprès d’eux qu’une autre littératur­e, plus philosophi­que et contempora­ine, me fut révélée. Les discussion­s médicales aussi où, durant des heures, la vie de l’hôpital, l’évolution des pratiques et des recherches faisaient l’objet de polémiques incessante­s. Quelques années plus tard, mon frère Laurent, devenu cardiologu­e, et ma soeur Estelle, devenant néphrologu­e, prendraien­t le relais. Au fond, de ces années j’ai appris l’effort, le désir de savoir pour trouver la liberté. Si, depuis, j’ai découvert le plaisir de l’activité trépidante et les responsabi­lités, je sais le bonheur de cette vie immobile loin du fracas des hommes. Ce sont des racines qui protègent. Et qui, je crois, rendent sage. Je n’avais que deux autres horizons : le piano et le théâtre. Le piano, ce fut une passion d’enfance qui ne m’a jamais quitté.

Le théâtre, je le découvris à l’adolescenc­e. Ce fut comme une révélation. Dire sur une scène ce que nous avions tant et tant lu avec ma grand-mère, écouter les autres jouer, créer ensemble un moment qui prend corps, fait rire, émeut. C’est au lycée, par le théâtre, que j’ai rencontré Brigitte. C’est subreptice­ment que les choses se sont faites et que je suis tombé

 ??  ?? En campagne.
En campagne.
 ??  ?? Le leader d’En Marche ! en déplacemen­t en Tunisie, le 7 novembre. La première visite d’une tournée hors de l’Union européenne. « Révolution », d’Emmanuel Macron (XO, 270 p., 17,90 €). En librairie le 24 novembre.
Le leader d’En Marche ! en déplacemen­t en Tunisie, le 7 novembre. La première visite d’une tournée hors de l’Union européenne. « Révolution », d’Emmanuel Macron (XO, 270 p., 17,90 €). En librairie le 24 novembre.

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