Le Point

« La légèreté », récit d’une remise à flot existentie­lle par la beauté et l’ivresse de côtoyer des esprits libres, a conquis le jury.

- PAR ROMAIN BRETHES

«L a légèreté » est née d’une tragédie. Le massacre de Charlie Hebdo, auquel Catherine Meurisse a échappé en raison d’un chagrin d’amour qui l’a retenue au lit ce matin-là, la faisant arriver en retard à la conférence de rédaction... Les mois qui ont suivi l’ont rendue aphasique. Pis encore, elle n’avait plus goût au dessin. Et puis, progressiv­ement, la vie a repris ses droits. De son lent retour au monde et aux humains, elle a fait cette histoire, qui commence aujourd’hui à échapper à son contexte tragique pour tendre à l’universel. La preuve ? Les Américains, à la recherche de modèles de résilience après l’élection de Donald Trump, se sont passionnés pour l’ouvrage lors d’une récente présentati­on à New York, d’où débarquait tout juste Catherine Meurisse pour recevoir son prix, le premier de sa carrière.

Le dessin de « La légèreté », éblouissan­t d’équilibre et tout en suggestion, évoque d’ailleurs le Wolinski des années 1970, celui où ses personnage­s parlent à des arbres (Catherine Meurisse, originaire des Deux-Sèvres, aime beaucoup les arbres) ou marchent sans but dans le désert. Comme « La légèreté » le raconte sans détour, mais sans aucun pathos, ce retour à la création n’a toutefois pas été sans mal. Des secouriste­s se sont présentés à son chevet pour relayer ses proches, qui ne savaient plus quoi faire pour elle : ils s’appellent Proust, le Caravage, Stendhal. Et c’est lors d’un séjour à la Villa Médicis de Rome, pour « être submergée par la beauté » , que Catherine Meurisse reconquier­t ce plaisir de s’enivrer avec des esprits libres et iconoclast­es.

Elle apprend aussi à voir d’un oeil nouveau les chefs-d’oeuvre qui parsèment la Ville éternelle, et dont la beauté tient à la violence qui les traverse, à l’image de ces statues installées par Balthus dans les jardins de la Villa, représenta­nt les enfants de Niobé tués par Apollon et Artémis, mais aussi des marbres du Palazzo Massimo, sculptures mutilées et démembrées en lesquelles elle croit reconnaîtr­e les corps de toutes les victimes des attaques. La pulsion d’humour et d’amour est alors réactivée, et

 ??  ?? Volupté créative. Dessin extrait du recueil « Le bonheur est un métier », de Wolinski.
Volupté créative. Dessin extrait du recueil « Le bonheur est un métier », de Wolinski.

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