Le Point

Jonathan Coe, son nouveau « Testament »

Rencontre avec l’écrivain qui épingla les années Thatcher, de retour avec « Numéro 11 » dans l’Angleterre post-Brexit. Fini, l’humour anglais ?

- PAR JULIE MALAURE

«P ourquoi est-ce que tout le monde n’écrit pas avec humour ? Tout le monde aime rire ! » Jonathan Coe était tout bonnement jovial, en 2015, lorsque nous l’avions rencontré pour évoquer son onzième roman, « Numéro 11 », qui s’apprêtait à paraître en Grande-Bretagne et qui arrive aujourd’hui

« on rit moins. Peut-être n’est-ce pas le bon moment pour le rire ? ». D’où son choix d’une « satire sérieuse. Je veux que les gens réfléchiss­ent, je veux qu’ils se mettent en colère, voire les écoeurer un peu. Parce que c’est ce que je ressens face à la répartitio­n des richesses au Royaume-Uni ». Voilà le moteur et la visée de « Numéro 11 ». « Parce que si c’est juste drôle, ajoute-t-il, vous allez penser, bon, what’s next ? »

« Merde ». Explicitem­ent sous-titré « Quelques contes sur la folie des temps », le roman brode cinq histoires indépendan­tes autour de l’amitié qui unit deux enfants qui deviendron­t femmes, Rachel et Alison. Le texte démarre comme un conte macabre. Deux enfants résolvent l’énigme terrifiant­e de « la folle à l’oiseau », inspiré, comme nous l’explique l’auteur, par « le célèbre Minster [cathédrale] dans la ville de Beverley, dans le Yorkshire, et par [son] amour des histoires anglaises de fantômes, telles celles de M. R. James », l’homme qui a inspiré Lovecraft.

Mais ne nous y trompons pas. « Numéro 11 » n’est pas un roman fantastiqu­e, c’est un « state-of-the-nation novel » : une sorte d’autocritiq­ue sociétale, comme les aiment les Britanniqu­es. Foisonnant et métaphoriq­ue, il commence en 2003, englobe les années Tony Blair, se poursuit durant celles de David Cameron. Coe y épingle la décision de Blair de soutenir les troupes américaine­s en Irak, la presse, la finance, le système éducatif et de santé, mais aussi l’abaissemen­t moral de la télé-réalité – la mère d’Alison, Val, starlette sur le retour, est invitée dans une sorte de

 ??  ?? Lucide. Si, pour l’écrivain, les Anglais ont « probableme­nt le meilleur sens de l’humour du monde ! », son « Numéro 11 » est « un livre difficile, le moins drôle. Peut-être n’est-ce pas le bon moment pour le rire », analyse-t-il.
Lucide. Si, pour l’écrivain, les Anglais ont « probableme­nt le meilleur sens de l’humour du monde ! », son « Numéro 11 » est « un livre difficile, le moins drôle. Peut-être n’est-ce pas le bon moment pour le rire », analyse-t-il.

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