Le Point

La diététique de lord Jordan

Sommeil, alimentati­on, sport… Comment se prépare le chef de l’Opéra de Paris ? Tout un programme.

- PAR ANDRÉ TUBEUF

Dès le rideau levé, ce 4 octobre au soir, on aurait dit qu’il portait à bout de bras la puissante masse chorale de « Samson et Dalila », sur scène, incarnant Israël. Il la modelait, la rythmait, la respirait du dedans, lui dictait ses mots, les lui insufflait. Dans la fosse, en même temps, du doigt et de l’oeil, il commandait les sonorités subtiles et différenci­ées, si françaises, de l’orchestrat­ion de Saint-Saëns. Le 3 novembre, après dix fois « Samson » (et quelques allers-retours), c’est fluide et étincelles qu’il apportait, à Offenbach cette fois : « Les contes d’Hoffmann ». Jeu d’enfant pour le directeur musical (depuis sept ans) de l’Opéra de Paris, qui débrouilla­it l’an dernier « Moïse et Aaron », réputé diabolique, et fait paraître légers de texture « Les maîtres chanteurs », de Wagner, qu’il dirigera l’été 2017 à Bayreuth même. Ce sera la fin (le couronneme­nt, peut-on dire) de la saison qui débute avec « Samson ». Une saison d’athlète.

Cent représenta­tions d’opéra et concerts, pas moins, attendent Philippe Jordan, 42 ans, jusqu’à fin août 2017, à Paris principale­ment, avec le (très relatif) confort d’y être à domicile. Mais à Vienne aussi, où il a la charge des glorieux Symphonike­r, qui furent l’orchestre de Karajan et de Sawallisch. D’où des va-et-vient réguliers, pour parfois juste un concert (une « Passion » de Bach, rien que ça) entre deux soirs de Paris : une trentaine en tout, dont une tournée avec eux en Asie en février, qui lui tiendra lieu de vacances d’hiver ! A Paris l’attendent cinq opéras, dont « Lohengrin », le seul Wagner qu’il n’ait pas encore dirigé. Un tel parcours exige une condition physique, un moral aussi, de champion. Le travail personnel sur les partitions étant acquis, lecture, déchiffrag­e (il est excellent pianiste), réflexion, comment se tient en forme ce marathonie­n de l’opéra dont la silhouette, l’oeil vif, la détente seraient plutôt d’un sprinter ? Comment alimenter pareil labeur et pourtant rester frais, garder le désir ? Car sans ce désir il serait Sisyphe, excédé au quotidien.

Il n’a ni régime ni recette. Sa régularité seulement, pour tenir un timing dévorant ; et sa prudence, accrue depuis la hernie discale qui lui a valu l’an dernier douze dures séances de rééducatio­n. « La damnation » de Berlioz puis « Les maîtres chanteurs » s’étaient enchaînés d’un peu trop près à l’écrasant « Moïse et Aaron » (plus, en concert, les « Gurre-Lieder » du même Schoenberg). Il a dû renoncer à sa musculatio­n quotidienn­e. « Des étirements seulement, un quart d’heure chaque jour : ça, je peux le faire seul, chez moi ou dans mon bureau à Bastille. Et je pense à me mettre au yoga. » Du soft. A toute occasion possible,

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