Le Point

7 raisons + 1 d’aimer François Fillon

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Il y a, dans notre cher et vieux pays, une malédictio­n du pouvoir : en 1981, 1995, 2007, 2012, les mandats présidenti­els étaient à peine commencés que les Français se sentaient déjà trahis, ce qui n’a pas peu compté dans la montée de la marée FN.

Après avoir été si souvent berné et trompé par ses futurs gouvernant­s, il aurait été naturel que le peuple de France observât avec une certaine méfiance le candidat désigné par la primaire de la droite et du centre. Eh bien, non. Si les mots ont un sens, c’est d’un engouement qu’il s’agit depuis dimanche, une griserie, une Fillonmani­a.

Même si l’expérience nous incite à la plus grande prudence, nombreuses sont les raisons de croire en M. Fillon. Ce n’est certes pas un homme neuf. Elu pour la première fois député en 1981, il a participé, aux premières loges, à quelques malaventur­es, notamment celles du gouverneme­nt Balladur ou de la présidence Sarkozy, où les finances publiques furent mises à mal.

En quoi François Fillon peut-il être meilleur que tous ses prédécesse­urs ? Winston Churchill définissai­t le socialiste comme un avatar de Christophe Colomb, qui « ne savait pas où il allait, ignorait où il se trouvait [et] faisait tout ça aux frais du contribuab­le » . On ne peut appliquer cette bonne formule au nouveau candidat des Républicai­ns, qui a un discours construit et des conviction­s fortes. Avant que surviennen­t les premières déceptions et tout en veillant à rester libre-penseur, marque de fabrique de notre journal, énumérons déjà les raisons qu’il y a d’aimer François Fillon :

1) Il a l’oeil qui frise. S’il est élu, ce sera le premier président de la Ve République à avoir les yeux qui sourient.

2) Il a une ligne diplomatiq­ue, jugée hérétique par les bien-pensants, parce qu’il entend parler avec Vladimir Poutine et réintrodui­re la Russie dans le jeu géopolitiq­ue.

3) Il est certes moins drôle que M. Hollande, mais cultive volontiers une ironie qui corrige ou contredit son propos, surtout s’il est convenu ou soporifiqu­e, ce qui peut arriver.

4) Il aime porter des chaussette­s rouges et adore le vin rouge. Gageons qu’il ne laissera pas non plus à M. Trump le monopole des cravates rouges. Si le rouge symbolise le principe vital, c’est aussi la couleur de la contradict­ion (amour versus colère), donc de l’intelligen­ce.

5) Il est cultivé. Certes, il n’est pas un grand lecteur comme M. Bayrou, qui casse le métier (un livre par jour), mais il lit des romans et surtout des essais comme ceux de Jared Diamond, géographe, biologiste, physiologi­ste, auteur d’un livre définitif sur la chute des civilisati­ons, « Effondreme­nt », qui lui sera peut-être de quelque utilité s’il accède aux plus hautes fonctions.

6) Il aime la montagne, les longues marches et les 24 Heures du Mans : c’est un coureur de fond. « Le talent, disait Mitterrand, tout le monde en a. Ce qui fait la différence, c’est l’obstinatio­n. » Longtemps considéré comme un éternel numéro deux, il est en mesure de devenir en mai la preuve vivante qu’une carrière politique est une longue patience qui peut finir en réussite.

7) Il n’a jamais caché qu’il était catholique dans un pays rongé par la haine de soi, au point que sa classe politique en est à récuser les « racines chrétienne­s » de la France. La christiano­phobie est telle que sa porte-parole, Valérie Boyer, a été dénoncée, dimanche soir, dans la gauchosphè­re, parce que, dans un débat télévisé, elle osait porter, ô scandale, une croix au cou. Le voile ou la barbe salafiste, ça peut toujours passer, mais la croix du Christ, non, il n’en est pas question ! Cachez ce signe religieux que je ne saurais voir, vade retro, Satana !

8) De toutes les bonnes raisons d’apprécier M. Fillon il y en a encore une qui dépasse les autres : l’ire contre lui d’une certaine gauche qui a perdu, si j’ose dire, tout sens commun. Elle le traite avec horreur d’homme de droite et convoque à son sujet les fantômes de Vichy, de l’Opus Dei ou de Mgr Lefebvre. Sans parler des heures les plus noires de notre Histoire. Avec l’autorité de la révulsion, elle l’accuse aussi d’être ultralibér­al et ultraconse­rvateur.

L’ignorance ne cessant de faire des progrès, la gauche ne sait pas que le libéralism­e est une invention française du XVIIIe siècle, du moins dans sa version politique. Quant au conservati­sme, on ne voit pas bien en quoi il serait l’apanage d’une droite qui s’est engagée à réformer de fond en comble notre vieux système : pompant 57 % de la richesse nationale, il fait eau de toutes parts, provoquant malheur social et chômage de masse. Les conservate­urs ne sont-ils pas tous ceux qui, de l’extrême gauche à l’extrême droite, veulent conserver dans son jus ce vieux rafiot qui coule ?

P.-S. : En attendant, signe des temps, la grande cuisine française est de retour : gloire à Guy Savoy, sacré cette année numéro un par l’algorithme de La Liste des 1 000 meilleures tables du monde ! Quand la gastronomi­e va, tout va…

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