La revanche de Thatcher
La victoire de François Fillon démontre que l’opinion est prête pour une potion libérale.
R aillé
dans les revues de presse, jugé outrancier et presque inconvenant, en total décalage avec la culture économique du pays et les aspirations réelles des Français, le numéro du Point du jeudi 6 octobre avec à sa une Margaret Thatcher apparaît aujourd’hui assez prémonitoire. Il y était notamment souligné que François Fillon était – avec Nathalie Kosciusko-Morizet, selon qui la Dame de fer « avait des qualités uniques » – le seul des candidats à la primaire de la droite et du centre à se réclamer ouvertement, en matière économique, de Margaret Thatcher. A ne pas cacher son admiration pour une femme ayant permis de sauver l’économie britannique de la faillite et de la sortir des griffes du FMI. Il y était aussi rappelé que les concurrents de François Fillon, pour mieux dénigrer son programme ultralibéral, le surnommaient volontiers avec mépris le « Thatcher de la Sarthe ». Quant aux plus fins politologues, ils n’hésitaient pas à expliquer savamment que, en raison de l’impopularité de la Dame de fer en France, revendiquer cet héritage était pour M. Fillon totalement suicidaire, justifiait ses très mauvais scores dans les sondages (il était alors crédité de 8 % d’intentions de vote quand Juppé était à 39 %, Sarkozy à 33 % et Le Maire à 13 %) et le condamnait par avance à devoir se contenter d’une quatrième place.
La victoire du « Thatcher de la Sarthe » démontre qu’il ne faut pas désespérer de la droite française. Avec des décennies de retard sur ses homologues britannique mais aussi européennes, elle a fini par devenir, sur le plan économique, libérale. Par rompre, si on excepte la période 1986-1988, avec l’interventionnisme, le keynésianisme, le dirigisme et l’étatisme qui ont caractérisé la politique économique de la droite quand elle était au pouvoir. Les électeurs de la droite et du centre ont choisi, avec M. Fillon, le candidat qui proposait le régime le plus sévère pour faire mincir la sphère publique et prônait les mesures les plus radicales pour libérer les forces de production du secteur privé. Et, à observer comment le programme d’Alain Juppé, qui prévoyait quand même la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires, 80 milliards d’euros de réduction de dépenses publiques, la suppression de l’ISF, une hausse de 1 point de la TVA, le passage aux 39 heures et la retraite à 65 ans, a été présenté dans les médias, durant l’entre-deux-tours, comme un projet raisonnable et presque « gauchisant », on mesure l’ampleur du glissement de l’opinion vers les thèses économiques libérales.
Les candidats à la présidentielle se répartissent désormais en deux camps économiques bien distincts. Dans le premier, on trouve ceux qui pensent que l’économie va mal parce qu’elle est victime des politiques « ultralibérales » menées depuis des décennies (Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Nicolas Dupont-Aignan…). Dans le second, on trouve ceux (François Fillon, Emmanuel Macron) qui posent le diagnostic rigoureusement contraire. Et qui estiment que si la France se porte nettement moins bien que les autres grands pays industrialisés, c’est d’abord parce qu’elle souffre d’un déficit de libéralisme – impossible de dire dans quel camp situer François Hollande, qui en cinq ans n’a cessé de passer de l’un à l’autre.
Signalons au passage que le nombre de fonctionnaires en France a progressé de plus de 40 % depuis 1980.