Le Point

Mourir, mais de plus en plus tard

Les chiffres de la mortalité, en hausse, doivent être lus selon les tranches d’âge.

- Par Didier Raoult

N ous

avons des statistiqu­es de plus en plus précises sur le nombre de morts et sur leur évolution dans le temps. Ainsi, entre 2005 et 2015, on constate une augmentati­on de 4,1 % de la mortalité (53,6 à 57,8 millions). De quoi s’inquiéter ? Non, car la population mondiale augmente aussi, elle est passée de 2,5 milliards d’habitants en 1950 à 7,5 milliards en 2016, soit une multiplica­tion par trois. Le nombre de morts ne cessera donc mathématiq­uement de croître, mais les causes de la mortalité seront différente­s. Celles sur lesquelles nous pouvons efficaceme­nt agir diminueron­t en valeur absolue. C’est le cas de la plupart des infections. Dont la tuberculos­e (1,3 à 1,1 million de victimes par an), le sida et le paludisme, auxquels s’ajoutent les infections respiratoi­res, les plus meurtrière­s au monde (2,8 à 2,7 millions de morts) et les infections diarrhéiqu­es qui emportent chaque année 1,3 à 1,6 million de personnes. La plupart des maladies infectieus­es diminuent en moyenne d’environ 20 %.

Oui, mais les cancers augmentent, nous dit-on ! Tous les jours, on nous explique que nous mourrons de plus en plus du cancer, à cause de la pollution, des produits chimiques, des OGM, des poussières, des radiations, de la malbouffe, du réchauffem­ent de la planète et de toutes les activités humaines en général. En pratique, c’est vrai, le nombre de morts par cancer est passé en dix ans de 34,8 à 39,8 millions (soit + 14 %). Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas immortels ! Si les maladies qui tuent les jeunes diminuent, on meurt souvent d’un cancer quand on meurt vieux. D’ailleurs, si l’on corrige le risque en fonction de l’âge, le constat change du tout au tout : il y a de moins en moins de cancers qui se déclarent tôt, la diminution est de 10 %. En pratique, tous les cancers reculent, qu’il s’agisse des cancers du sang, de la peau, du sein ou de la thyroïde. On note au passage que, malgré la persistanc­e d’une communicat­ion alarmiste sur le nuage de Tchernobyl, l’augmentati­on des cancers de la thyroïde prédite en France ne s’est jamais produite. Quant aux affections cardio-vasculaire­s, le chiffre, non pondéré, montre une hausse de 12,5 % (15,9 à 17,9 millions) alors qu’en réalité on observe une baisse de 15,6 % par tranche d’âge. De même pour les affections neurologiq­ues, à l’exception toutefois de la mortalité par la maladie de Parkinson.

Ce qui augmente par contre de manière très significat­ive, ce sont les morts dues à l’usage de drogues, légales ou illégales : + 31 %, et quand même 11,5 % une fois ajusté avec l’âge. Quant aux maladies émergentes, celles qui pèsent sur la mortalité sont la dengue (12 000 à 18 000 victimes), et la fièvre due au virus Ebola qui a fait 5 000 morts sur la seule année 2015.

Au total, nous mourrons tous un jour, mais nous mourrons plus tard, et de maladies dues à la dégénéresc­ence, même si ces maladies régressent et nous frappent de plus en plus tardivemen­t. Il n’y a donc pas de scandale sanitaire mondial ou une émergence significat­ive de maladies liées à l’homme. Au contraire, la civilisati­on et la mondialisa­tion ont fait reculer de manière spectacula­ire l’âge de la mortalité, permettant ainsi aux hommes et aux femmes de vivre plus longtemps

Tous les cancers reculent, qu’il s’agisse des cancers du sang, de la peau, du sein ou de la thyroïde.

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