Guerre au cliché ! Gloire à la prose sans gras !
Claude aimait les mots. Passionnément. Il les polissait en latiniste ; il les écoutait en musicien ; il les dégustait en gastronome – comme autant d’épices fades ou de haute saveur. La politique, la comédie humaine, les femmes, l’amour n’importaient à son jugement qu’à travers le lexique qu’ils impliquaient. Et cette perpétuelle excitation de papilles verbales culminait, chaque semaine, dans le rituel de l’éditorial. Ah, son édito ! Mon « poulet » , disait-il – comme chez Molière – lorsqu’il avait besoin de le tester, à voix haute, sur mes oreilles. C’était alors de merveilleux « téléphonages » – un autre de ses mots adorés, de provenance proustienne celui-là… –, au cours desquels il vérifiait la sonorité d’un incipit, le balancement d’une période, la dramaturgie d’une fin de paragraphe… « Les idées, comme les sentiments, suivent leur expression », se plaisait-il à répéter avec Benjamin Constant. Du coup, il ne fit jamais confiance aux idéologues qui malmenaient la syntaxe – ce qui ne signifie pas, loin de là, qu’il pardonnait tout aux beaux parleurs. Alors, avec Claude, c’était : guerre aux clichés ! Pas de pitié pour les petits styles ! Gloire à la concision et à la prose sans gras ! A l’arrivée, de fameux éditos, véritables petits trésors éphémères… Je l’entends encore : « Ne crois-tu pas qu’il manque ici une petite allitération ? » Ou : « Une métalepse en conclusion, ça ne serait pas mal, non ? » Comme son complice Jean-François Revel, Claude faisait donc des « festins de paroles ». C’était là sa religion d’athée, son nectar d’hédoniste. En cuisine d’écriture, il choisissait ses marmitons parmi Racine, Pascal, Virgile, Chateaubriand et les moralistes français. Il les consultait avant de se prononcer sur Mitterrand, Chirac ou Pompidou. Avant de foudroyer la bêtise, l’intolérance, l’inélégance et les modernes tsunamis d’inculture. Avant de méditer sur l’arrivée des barbares qui déferlent sur le monde, sur notre monde – que Claude voulait penser, aimer et embellir