Le Point

Castro expire, Cuba respire

Sa promesse de « démocratie humaniste » s’est muée en un demisiècle de dictature.

- PAR YVES CORNU

Il était 22 h 29 à La Havane, comme à Miami, le 25 novembre, lorsque la nouvelle est tombée. Dans les minutes qui ont suivi, les artères de la capitale cubaine ont commencé à se vider, chacun préférant regagner ses pénates, par respect pour la mémoire du Lider Maximo ou crainte d’avoir des ennuis avec les Comités de défense de la Révolution. Au même moment, quelque 150 kilomètres plus au nord, des milliers d’exilés ou descendant­s d’exilés cubains prenaient d’assaut les rues de Little Havana, à Miami, pour y célébrer la mort du vieux dictateur. « Je ne me lasse pas de faire la fête, déclarait samedi soir une jeune femme à l’amorce de sa deuxième nuit blanche, je pensais que ça n’arriverait jamais. »

Les messages de condoléanc­es convenus ne doivent pas prêter à confusion : Fidel Castro n’était consensuel en rien ni ne cherchait à l’être. Dogmatique jusqu’à la caricature ( « dans la Révolution, tout ; contre la Révolution, rien ! » ), il n’avait fini par assumer ses ambiguïtés que sur le tard. L’ex-guérillero ne s’est ainsi départi de son treillis que pour endosser, sur ses vieux jours, un survêtemen­t Adidas, symbole du capitalism­e mondialisé. Et, après avoir embastillé nombre de religieux dénonçant les persécutio­ns dont ils étaient victimes, l’ancien élève des jésuites ne cachait pas son admiration pour Jean-Paul II et Mère Teresa.

Le 4 décembre, après un deuil national de neuf jours, proportion­nel à la longueur de son règne, les Cubains prendront officielle­ment congé de leur leader nonagénair­e au cours de funéraille­s nationales qui auront lieu à Santiago, point de départ de la geste castriste. Ils tourneront surtout une page de leur histoire, ou un fil conducteur de leur existence, puisque plus des deux tiers d’entre eux n’étaient pas nés lorsque Fidel, Raul, le Che et les autres sont entrés dans la capitale, le 8 janvier 1959.

L’épopée aurait pu s’achever prématurém­ent, tant ont été nombreuses les tentatives d’assassinat. L’historiogr­aphie officielle prétend en avoir dénombré pas moins de 600, ce qui vaut au roi de la baraka de figurer dans le « Livre des records ». Castro a survécu à onze présidents américains, dont la plupart ont rêvé de lui faire la peau par CIA interposée. De fait, cet aventurier charismati­que et romanesque n’aurait jamais accédé au statut d’icône sans l’antagonism­e qui l’a opposé un demi-siècle durant à l’Oncle Sam

Plus de 3 000 « ennemis de la Révolution » ont été exécutés.

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