Du vieux lion
A 78 ans, le patriarche du conglomérat indien Tata revient aux affaires après avoir débarqué l’ex-patron. Récit.
C’est le nombre d’entreprises – dont 29 cotées – détenues par le groupe Tata. C’est aussi le nombre de pays dans lesquels est présent le groupe. C’est le nombre d’employés du groupe.
Il était arrivé sur scène au volant d’une drôle de petite bulle blanche sur roues, porté par la musique du film « 2001 : l’odyssée de l’espace ». C’était le 10 janvier 2008 au Salon automobile de New Delhi, et l’élégant Ratan Tata, costume noir et cravate grise, présentait la « nouvelle voiture du peuple » , un véhicule made in India. Un moment de grâce, sous les flashs du mnde entier. La Nano était une « source de joie et de fierté » pour Tata Motors et pour l’Inde. Cette voiture à 2 500 dollars (la moins chère de l’Histoire) devait changer la vie de millions d’Indiens appartenant aux classes moyennes émergentes. Ratan Tata en avait eu l’idée en observant, dans les rues de Calcutta, le ballet des 2-roues qui transportent des familles indiennes de quatre personnes. Pour le patriarche du conglomérat, alors âgé de 71 ans, la Nano, c’était son rêve, son défi et son ticket d’entrée définitif dans le grand livre de l’histoire de son pays. Mais cette voiture, sortie dans sa première version sans direction assistée ni rétroviseur droit, n’a jamais trouvé son public. L’échec industriel et financier sera sans appel. Ce que le groupe Tata n’avait jamais reconnu publiquement… C’est chose faite depuis quelques jours.
Tout a commencé par un putsch. Le 24 octobre, Cyrus Mistry, PDG du groupe Tata depuis 2012 (il avait remplacé Ratan Tata à l’issue d’un long processus de sélection et il était fier d’être le premier PDG extérieur à la dynastie), est éjecté de son poste sans préavis et à sa plus grande surprise, lors d’un vote ordinaire du conseil d’administration. C’est Ratan Tata qui a orchestré la chute brutale de son ancien dauphin. Composé d’une centaine de sociétés autonomes, avec chacune son c o ns e i l d ’ a d mini s t r a t i o n, l e groupe Tata est chapeauté par le holding Tata Sons, sous la coupe de Ratan Tata. Le temps de trouver un nouveau président, c’est le « big boss », âgé de 78 ans, qui a repris provisoirement les rênes de cet empire et est aux commandes de Bombay House, le siège du groupe, un beau bâtiment colonial du quartier des affaires désormais assailli par les journalistes.
Car Cyrus Mistry, 50 ans, refuse de se laisser faire. Le quinquagénaire décide de se venger de l’humiliation subie. Dans un mail à son conseil d’administration, publié par la presse indienne, Cyrus Mistry règle ses comptes et déterre les sujets tabous. A commencer par la fameuse Nano. Il écrit : « La Nano a perdu jusqu’à 10 milliards de roupies [135 millions d’euros] par an. » Mistry explique qu’il en préconisait l’arrêt pur et simple depuis des mois. Mais que « cette décision douloureuse a systématiquement été écartée pour des questions sentimentales ». Ratan Tata, au mépris de la bonne gestion, n’aurait donc pas supporté que son projet soit désavoué. Dans un communiqué du 4 novembre, Tata