Le Point

Du Moyen Age à – qui sait ? – la veste forestière de François Fillon, « Tenue correcte exigée », aux Arts décoratifs, à Paris, expose le vêtement qui fait scandale.

- PAR MARC LAMBRON, DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Etiquette, appartenan­ce, séduction, blâme, provocatio­n, sédition, liberté, autant de vocables que l’exposition « Tenue correcte exigée » agite dans un shaker polychrome. Ce n’est pas d’aujourd’hui que le vêtement fait scandale. En divers lieux de la planète, il suffit encore d’un short, d’une minijupe, d’une tête découverte, d’une transparen­ce ou d’un galbe moulé pour que les décrets de l’impudeur frappent une innocente promeneuse. Mais la légende des siècles nous a légué des rutilances, des outrages, des extravagan­ces d’une tout autre ampleur. Sous le commissari­at de Denis Bruna, le musée des Arts décoratifs en retrace les éclats, les ambiguïtés et les bonheurs : les symétries tendues de la proscripti­on et de la transgress­ion, le tango mortel auquel l’hypocrisie invite parfois la liberté.

Ces guerres du goût viennent de loin. Dans l’Occident judéo-chrétien, le vêtement se voit très tôt lesté d’un blâme théologiqu­e : c’est la conséquenc­e du péché originel. Il doit protéger mais non parer, idéal dont la bure monacale fournit la forme pénitentie­lle. Tout ce qui est voyant, impudique, dispendieu­x tend à être banni. Dans une ordonnance de 1294, bien avant les militants de l’associatio­n PETA (Pour une éthique dans le traitement des animaux), Philippe le Bel interdit le vair, l’hermine et la martre zibeline. Les poulaines à pointe, les coiffes à cornes du XVe siècle seront vilipendée­s comme ostentatoi­res, voire diabolique­s. Toute mode frivole et passagère offusque les pérennités saintes, car le Malin se cache dans le pied, la gorge, le corps nu.

Evidemment, le danseur ne tarde pas à répondre au prêtre, jusqu’aux sommets de l’Etat. L’ostentatio­n des cours d’Europe se parfume à l’imperium du vêtement, munificenc­e, éclats de luxe, gentilshom­mes et même prélats ornés comme des paons : une fièvre du signe dont la faveur contempora­ine pour les logos

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Hybridatio­n. En 1997, les femmes insectes de Thierry Mugler déchaînent la critique. « Qui va vouloir s’habiller en scarabée ? » s’interroge la presse.
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