L’homme qui aimait l’échec
Nicolas Sarkozy serait, selon les commentateurs politiques, grand devant l’échec. Il aurait été, lors de la catastrophe du dimanche 20 novembre 2016, un exemple de dignité, de gravité, de grandeur. Dans les médias, on était surpris : après sa déroute devant son ancien Premier ministre Fillon et son ancien ministre Juppé, l’ex-président de la République ne faisait plus le clown comme lors de ses derniers meetings calculés au centime d’euro près. Terminés ses digressions sur les frites de la cantine, les noms d’oiseaux balancés sur la tête de ses adversaires, ses menaces au monde politique entier. Dans la défaite, Nicolas s’était repris. Redressé. Ses adieux sans Fontainebleau avaient l’étoffe et le rayonnement du dernier discours de Napoléon Ier à ses grognards groggy après la retraite anticipée de Russie que les Français n’ont toujours pas pardonnée à Vladimir Poutine.
Est-ce si difficile d’être grand devant l’échec ? On dirait au contraire qu’il a été conçu exprès pour qu’on soit grand devant lui. Perdre est aussi un plaisir. On est d’abord délivré de la peur de perdre, si obsédante en sport comme en politique. Délivrance prolongée par de petites satisfactions physiques comparables à celles qu’on réserve aux grands malades : on vous bisouille, on vous dorlote, on vous gâte. Ça va être quelque chose, les petits dejs de Sarko à la villa Montmorency et au cap Nègre. Dans les catastrophes naturelles, la plupart des victimes sourient. Ou même rient. L’échec offre en outre un grand choix de sentiments nobles, au premier rang desquels il y a le renoncement, suivi de près par le fair-play.
Le perdant a tort : il s’agit pour lui de plaider sa cause, passion de tous les égocentriques, si nombreux au service de l’Etat. Dans la victoire, les mots nous manquent car ils sont inutiles : notre bon résultat parle pour nous. Le gagnant n’a rien à prouver : c’est fait. Le perdant en revanche, a tout le loisir de se plaindre, de s’expliquer, de s’analyser, de se condamner et de se gracier – plaisirs refusés à son adversaire plus heureux. Les raisons d’un échec sont innombrables alors que le succès n’a qu’une cause : on a été le meilleur. Un bavard comme Sarkozy ne pourra que tirer profit de cette merveilleuse palette de sentiments partagés et de pensées obliques offerte à toute personne ayant échoué à une compétition, quelle que soit l’importance de celle-ci.
Souvenons-nous de Nicolas, le soir du scrutin. Il a parlé tout de suite après Bruno Le Maire. Il était pressé d’encaisser sa défaite comme on encaisse un chèque, de la reconnaître comme on reconnaît un vieux camarade de classe, de la revendiquer comme on revendique une augmentation, voire de la célébrer comme si c’était une messe. Il ne voulait plus quitter les micros, heureux d’exhiber son absence de chagrin. Il enveloppait les journalistes d’un regard tendre et comblé, comme un enfant qui, après une chute à vélo, montre son genou blessé à ses copains. Même pas mal