Le Point

D’où vient Darwin ?

Les théories scientifiq­ues sont orientées par la culture de leurs auteurs. Il faut savoir les décoder.

- Par Didier Raoult

L es

théories scientifiq­ues sont par nature complexes. Brecht fait dire à Galilée que « la science est fille du temps » , traduisant l’évolution de la pensée scientifiq­ue du fait de l’existence d’outils nouveaux, en l’occurrence pour Galilée la lunette astronomiq­ue. C’est la base de la théorie du philosophe Karl Popper sur l’évolution de la science : nouvel instrument, nouvelle vision, nouvelle théorie. Mais les sciences sont faites par les hommes, qui sont, comme le dit Héraclite, « la mesure de toute chose » . Ainsi, la science est en partie le reflet de la culture et des croyances des scientifiq­ues.

Actuelleme­nt, la théorie la plus castratric­e en science est celle de Charles Darwin, car elle empêche une réanalyse des données contempora­ines. C’est juste une théorie de WASP (Anglo-Saxons protestant­s blancs), ceux qui dominaient le Royaume-Uni et les Etats-Unis au XIXe siècle. Dans cette vision, les Blancs dominent parce qu’ils ont été sélectionn­és et sont les plus forts. Les Anglo-Saxons évoquent une « Rule Britannia » : l’Angleterre doit dominer le monde. Une théorie protestant­e, car un des fondements de la philosophi­e calviniste est la prédestina­tion, qui influencer­a Darwin. A son sens, tout est écrit avant la naissance. Il en déduit que l’évolution est rationnell­e et qu’elle trie ceux qui sont nés « plus capables » . Le darwinisme est par voie de conséquenc­e une théorie raciste ; il faut relire « L’origine des espèces », c’est stupéfiant – les racistes n’écriraient pas cela aujourd’hui – et dépassé. Lucrèce, dans « De la nature des choses », décrivait l’évolution, deux mille ans plus tôt, d’une façon plus compatible avec nos connaissan­ces actuelles. Mais les laïques l’ont paradoxale­ment sanctifié en transforma­nt l’ouvrage en arme scientifiq­ue antireligi­on, face à la montée du créationni­sme.

Les deux grands théoricien­s de l’évolution du XIXe siècle, tous deux chrétiens, avaient une interpréta­tion différente de la Bible : le protestant Charles Darwin pensait prédestina­tion et hérédité ; Lamarck considérai­t que l’on devient aimé de Dieu par ses actions et que cela se transmet. Les deux ont partiellem­ent raison sur le plan de la biologie. Nous avons sous-estimé la culture dans notre vision scientifiq­ue. Ce siècle qui commence à intégrer les pays émergents, en pleine révolution culturelle, sera riche de bouleverse­ments scientifiq­ues.

Enfin, Darwin définit la sélection naturelle par analogie à la sélection humaine. Il pense que la nature agit pour trier les espèces comme les hommes l’ont fait pour le bétail, les poules, les chevaux, les chiens et les chats, choisissan­t les « étalons » les plus capables et ségréguant progressiv­ement les caractères. Mais la nature ne fonctionne pas ainsi, la plupart des évolutions résultent de sélections multiples dues au hasard, les plus capables à un instant ne seront pas les plus fertiles ni les plus performant­s à l’avenir. Le tri se fait souvent par catastroph­e. La nature se développe aussi par imitation et par adaptation à l’environnem­ent, et cette acquisitio­n de compétence­s est transmissi­ble. C’est ce que nous apprend la science actuelle et que théorisait déjà Nietzsche, qui qualifiait les travaux de Darwin de « naïfs »

A son sens, l’évolution trie ceux qui sont nés « plus capables ». Le darwinisme est donc une théorie raciste.

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