Le Point

Comment peut-on être de gauche ?

Le sociologue Jean-Pierre Le Goff et l’essayiste Gilles Finchelste­in pointent les origines du malaise. Débat.

- PAUL-FRANÇOIS PAOLI

«M a l a i s e dans l a démocratie » (Stock), le dernier livre du sociologue JeanPierre Le Goff, aurait pu s’intituler « Malaise dans la civilisati­on » tant il met en cause un « individual­isme de type nouveau » tout à la fois narcissiqu­e et irresponsa­ble qui atomise la société et invalide la politique. Pour Jean-Pierre Le Goff, dont le propos n’est pas sans rappeler Jean-Claude Michéa, il ne fait pas de doute que le « gauchisme culturel » , dont Lang et Taubira sont devenus à ses yeux les icônes, a trahi la vocation de la gauche à représente­r les classes populaires. Une vision à laquelle s’oppose Gilles Finchelste­in, directeur de la Fondation Jean-Jaurès, dans « Piège d’identité, réflexions (inquiètes) sur la gauche, la droite et la démocratie » (Fayard). Pour lui, c’est le refus de la gauche d’affronter les questions liées à l’identité de la France qui la pénalise Jean-Pierre Le Goff Sociologue. Auteur de « Malaise dans la démocratie » (Stock).

Le Point : Jean-Pierre Le Goff, vous diagnostiq­uez un malaise dans la démocratie. Quelles en sont les principale­s caractéris­tiques ? Jean-Pierre Le Goff :

Ce malaise est lié à des fractures sociales et culturelle­s qui portent sur des points aussi essentiels que l’éducation, la relation au travail, la culture et la religion. Ce phénomène est le produit d’un basculemen­t historique qui se situe dans la seconde partie du XXe siècle. Le chômage de masse a joué un rôle important, mais il n’explique pas tout. Dans les années 1960, les sociétés démocratiq­ues européenne­s sont entrées dans une nouvelle étape de leur histoire avec le développem­ent de la société de consommati­on et de loisirs. Cette mutation, qui était déjà en cours avant Mai 68, fera émerger un type d’individual­isme nouveau qui se situe dans la continuité du processus décrit par Tocquevill­e, mais qui va aller en se radicalisa­nt. Dans les années 1960, il existait un équilibre, avec le sentiment d’appartenan­ce à des héritages sociaux et culturels. Les associatio­ns et les syndicats jouaient encore un rôle important. C’est ensuite que nous observons un basculemen­t de la société vers un individual­isme de plus en plus autocentré. Le rapport à l’Etat s’en trouvera modifié : d’un côté, on se méfie de l’Etat, qui représente la domination ; de l’autre, on lui demande de répondre au plus vite à ses besoins dans tous les domaines. C’est la mentalité à la fois de la victime et du client roi. La politique a surfé sur ce nouveau monde problémati­que. Gilles Finchelste­in Directeur de la Fondation JeanJaurès. Auteur de « PIège d’identité » (Fayard).

Gilles Finchelste­in, partagez-vous cette analyse ? Gilles Finchelste­in :

Dans l’ensemble, oui, mais le malaise démocratiq­ue est à la fois plus profond et plus récent. Il trouve sa source dans les mutations sans précédent dont nous sommes les contempora­ins. Mutations économique­s, avec la mondialisa­tion. Révolution technologi­que, avec la numérisati­on de nos

« Aujourd’hui, le gauchisme culturel tient encore des postes de pouvoir, mais il est battu en brèche dans l’opinion, et cela n’a rien à voir avec le populisme. » Jean-Pierre Le Goff

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