Un renoncement « christique » ?
L’historien Jacques Le Brun, auteur du « Pouvoir d’abdiquer » (Gallimard, 2009), décrypte le discours de François Hollande.
Paul, il s’est réduit à néant. Le héros, c’est celui qui renonce dans un monde où, inversement, la conquête du pouvoir est érigée en absolu.
Un acte qui nous fait penser au suicide au sens où l’entendait Schopenhauer, la manifestation suprême de la volonté de vie…
Est-ce un suicide ? On peut légitimement se poser la question, de même qu’on entendait en simultané, d a ns l a d é c l a r a t i o n d e François Hollande la semaine dernière, une autre, celle de sa candidature, il y a cinq ans. Rappelons que la question, justement, du suicide du Christ a longtemps hanté les théologiens, avant qu’elle ne soit écartée.
Dans votre livre « Le pouvoir d’abdiquer », vous évoquez le double corps du roi, la théorie politique de Kantorowicz d’un pouvoir immortel : le roi est mort, vive le roi ! En quoi l’abdication la remet-elle en question ?
Cet acte aboutit à une dé-composition de ce double corps. L’homme se détache de sa part absolue pour en revenir à sa simple condition de citoyen, mais, et c’est le paradoxe, il le fait par une décision absolue, manifestation ultime de son pouvoir. Ce renoncement montre par ailleurs qu’un acte peut cela : il montre de quoi est capable un homme. De fait, chacun peut se reconnaître dans cet acte qu’il ne produira jamais – on ne pourra jamais renoncer à la présidence de la République –, mais qui montre l’absolu d’une décision sur laquelle chacun peut prendre exemple. Il me semble très révélateur que cet acte ait été commis par celui qui se présentait comme un président normal (Lire aussi la chronique de Kamel Daoud, p. 190.)