Le célèbre avocat pénaliste Eric DupondMoretti s’insurge contre son temps. Hygiénisme, bio, télé… Dialogue à la Audiard.
Pour coincer l’avocat pénaliste le plus célèbre de France, il s’agit d’abord de trouver un créneau dans son agenda de forçat des prétoires. Puis il faut s’aventurer dans l’antenne parisienne de son cabinet, patienter devant un mur tapissé de photos à sa gloire, avant de pénétrer dans un bureau marquant son amour des faucons et de la chasse. En veste de châtelain, Me Dupond-Moretti nous reçoit l’oeil charbonneux. Il ne reste alors plus qu’à chauffer un peu ce Nordiste sur la transparence, l’hygiénisme ou le quinoa pour qu’« Acquittador » se métamorphose en procureur de l’époque. Entre le pamphlet torrentiel à la Bernanos et la verve d’Audiard, le réquisitoire sera seulement entrecoupé de silences hypnotiques et de mégots aplatis dans le cendrier
Le Point : Ces dernières semaines, vous étiez aux assises en Martinique, en Corse, à Douai, vous vous êtes occupé d’affaires au Congo ou au Maroc… Qu’est-ce qui vous motive ? L’argent ? Eric Dupond-Moretti :
[il rit, agacé] Si j’adorais le fric, j’aurais fait avocat d’affaires ou communicant, le grand métier moderne. Mais ça suscite un peu de scepticisme chez moi. Votre question démontre que l’image de l’avocat est celle d’un mercenaire grassement payé pour faire triompher le crime. On dit aussi de moi que je suis un avocat médiatique. Sans doute, et je l’assume complètement. La preuve, vous êtes ici. Mais 99,9 % de mes affaires, personne n’en parle. A Melun, il n’y a pas un journaliste. Ces affaires n’intéressent personne, sauf le client et moi.
Vous avez expliqué ne rien demander aux clients qui n’ont pas les moyens et beaucoup à ceux qui peuvent vous donner…
N’exagérons rien. De temps en temps, et je dis bien de temps en temps, j’ai un coup de coeur, et il n’y a rien d’autre à en dire. Ce n’est pas de la fausse modestie, car ça n’est pas tout à fait mon style. J’essaie de m’acheter une petite place au paradis. Le médecin de campagne, dans l’anonymat le plus total, ça lui arrive de soigner quelqu’un à l’oeil. Ça n’est pas la règle.