Le Point

Chevallier et Kervasdoué : en finir

Le bio, les OGM, les cancers… L’économiste de la santé et le médecin nutritionn­iste ne sont d’accord sur rien, ou presque. Et ne mâchent pas leurs mots.

- OLIVIA RECASENS SANTÉ

La France devrait autoriser les OGM, le refus des gaz de schiste est absurde, si l’agricultur­e est en crise, c’est à cause des normes édictées par Bruxelles, les climatosce­ptiques ont peut-être raison de l’être… Dans son dernier livre, « Ils croient que la nature est bonne » (Robert Laffont), Jean de Kervasdoué désherbe la pensée dominante pour y planter sa conviction que l’homme est là pour mater une nature le plus souvent hostile, la façonner pour la mettre à son service. Cet économiste de la santé, ancien directeur des Hôpitaux, n’a pas la fibre écolo, déteste les lanceurs d’alerte, considère que le progrès prime sur la protection de l’environnem­ent. L’exact inverse de ce que pense le médecin nutritionn­iste Laurent Chevallier. Le Point les a réunis pour un débat sans concession­s

Le Point : Jean de Kervasdoué, vous revendique­z un franc-parler, mais, en vous attaquant à l’écologie politique qui pèse si peu en France, vous choisissez un combat gagné d’avance… Jean de Kervasdoué :

Certes, le parti écologique recueille peu de voix, mais ses idées sont reprises par les partis de gouverneme­nt en matière d’énergie, de sélection des plantes, de produits phytosanit­aires, de barrages… Il est idéologiqu­ement victorieux ; pourtant, cette idéologie prend le masque de la vérité dans un mélange de bêtises, de croyances et de beaux sentiments. Pour donner de la force à leur idéologie malthusien­ne, anticapita­liste et libertaire, les écologiste­s inventent des arguments scientifiq­ues. A les entendre, le responsabl­e de tous les maux de la planète serait l’homme ; parfois destructeu­r, mais aussi, par sa capacité à innover, formidable facteur de biodiversi­té.

Je suis d’accord sur l’écologie politique. Mais nous avons besoin d’une écologie scientifiq­ue. Aujourd’hui, tous les êtres vivants sont confrontés dans leur environnem­ent à une invasion de molécules chimiques, avec des conséquenc­es ravageuses sur la faune et la flore. Grâce à Pasteur, nous avons gagné la bataille contre les virus et les bactéries ; nous devons maintenant passer d’une hygiène pasteurien­ne à une « hygiène chimique ».

Laurent Chevallier : Fallait-il inscrire le principe de précaution dans la Constituti­on, comme l’a fait Jacques Chirac ? J. de K. :

Plus qu’une erreur, c’était une bêtise. C’est le principe de la peur. Il est déjà difficile de se protéger contre les causes probables, il est illusoire de prétendre le faire contre les causes incertaine­s. L’«hygiène chimique » dont parle le Dr Chevallier n’a pas de sens. Nous sommes des êtres chimiques, une chimie particuliè­re, celle du carbone. Par ailleurs, les plantes produisent des toxines, le soja contient des hormones, la pomme de terre des neurotoxin­es et le café du benzène. S’il s’agissait de produits industriel­s, ces aliments seraient recalés par les instances qui fixent les normes sanitaires !

Faire croire que toxines naturelles et chimiques sont identiques, c’est faire le jeu des industriel­s des pesticides.

L. C. :

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