Chevallier et Kervasdoué : en finir
Le bio, les OGM, les cancers… L’économiste de la santé et le médecin nutritionniste ne sont d’accord sur rien, ou presque. Et ne mâchent pas leurs mots.
La France devrait autoriser les OGM, le refus des gaz de schiste est absurde, si l’agriculture est en crise, c’est à cause des normes édictées par Bruxelles, les climatosceptiques ont peut-être raison de l’être… Dans son dernier livre, « Ils croient que la nature est bonne » (Robert Laffont), Jean de Kervasdoué désherbe la pensée dominante pour y planter sa conviction que l’homme est là pour mater une nature le plus souvent hostile, la façonner pour la mettre à son service. Cet économiste de la santé, ancien directeur des Hôpitaux, n’a pas la fibre écolo, déteste les lanceurs d’alerte, considère que le progrès prime sur la protection de l’environnement. L’exact inverse de ce que pense le médecin nutritionniste Laurent Chevallier. Le Point les a réunis pour un débat sans concessions
Le Point : Jean de Kervasdoué, vous revendiquez un franc-parler, mais, en vous attaquant à l’écologie politique qui pèse si peu en France, vous choisissez un combat gagné d’avance… Jean de Kervasdoué :
Certes, le parti écologique recueille peu de voix, mais ses idées sont reprises par les partis de gouvernement en matière d’énergie, de sélection des plantes, de produits phytosanitaires, de barrages… Il est idéologiquement victorieux ; pourtant, cette idéologie prend le masque de la vérité dans un mélange de bêtises, de croyances et de beaux sentiments. Pour donner de la force à leur idéologie malthusienne, anticapitaliste et libertaire, les écologistes inventent des arguments scientifiques. A les entendre, le responsable de tous les maux de la planète serait l’homme ; parfois destructeur, mais aussi, par sa capacité à innover, formidable facteur de biodiversité.
Je suis d’accord sur l’écologie politique. Mais nous avons besoin d’une écologie scientifique. Aujourd’hui, tous les êtres vivants sont confrontés dans leur environnement à une invasion de molécules chimiques, avec des conséquences ravageuses sur la faune et la flore. Grâce à Pasteur, nous avons gagné la bataille contre les virus et les bactéries ; nous devons maintenant passer d’une hygiène pasteurienne à une « hygiène chimique ».
Laurent Chevallier : Fallait-il inscrire le principe de précaution dans la Constitution, comme l’a fait Jacques Chirac ? J. de K. :
Plus qu’une erreur, c’était une bêtise. C’est le principe de la peur. Il est déjà difficile de se protéger contre les causes probables, il est illusoire de prétendre le faire contre les causes incertaines. L’«hygiène chimique » dont parle le Dr Chevallier n’a pas de sens. Nous sommes des êtres chimiques, une chimie particulière, celle du carbone. Par ailleurs, les plantes produisent des toxines, le soja contient des hormones, la pomme de terre des neurotoxines et le café du benzène. S’il s’agissait de produits industriels, ces aliments seraient recalés par les instances qui fixent les normes sanitaires !
Faire croire que toxines naturelles et chimiques sont identiques, c’est faire le jeu des industriels des pesticides.
L. C. :