Mary Beard : pourquoi il faut lire Cicéron
Alors que « Les catilinaires » font un tabac dans les librairies anglo-saxonnes, l’historienne britannique, qui vient de publier « S.P.Q.R. » (Perrin), rappelle les difficultés, si actuelles, auxquelles le consul fut confronté : la République attaquée, la
«J usqu’à quand enfin, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? Combien de temps encore ta fureur esquivera-t-elle nos coups ? » Tout élève latiniste a planché sur ces premières phrases des « Catilinaires », « Quousque tandem… », qui précèdent de peu l’apostrophe, encore plus fameuse : « O tempora, o mores ! » Chef-d’oeuvre de rhétorique, d’argumentation, d’attaque et de mauvaise foi, ce discours prononcé par Cicéron devant le Sénat le 8 novembre 63 avant Jésus-Christ fit pencher la balance en faveur de l’orateur. Catilina est un danger pour la patrie, il doit être mis hors d’état de nuire, ainsi que ses complices. Mais de quoi, au juste, s’est-il rendu coupable ? Dans une Rome déjà au bord de l’implosion sociale et économique, voilà qu’un homme, Catilina, candidat malheureux au poste de consul, accusé de corruption, aurait songé à faire assassiner le consul Cicéron, qui riposte de manière foudroyante, joignant bientôt le geste à la parole.
Au-delà de l’affaire elle-même, qui a des allures de suspense et d’intrigue policière, la joute vaut par l’opposition de deux formidables caractères : Catilina, le chef de bande charismatique, et Cicéron, l’homme d’Etat, avocat habile, ami des riches. Cet affrontement suscite bien des échos dans nos démocraties divisées et affaiblies. Pour preuve outre-Atlantique, où « Les catilinaires », Trump oblige, sont redevenus un best-seller inattendu. Car, dans une République romaine dévoyée, où jamais le fossé entre les riches et les pauvres n’a été aussi grand, les