Le Point

Anis Amri ou la banalité du mal

- F. T.

Le parcours du Tunisien Anis Amri, responsabl­e du carnage de Berlin, ressemble à s’y méprendre à celui d’autres djihadiste­s. Petit délinquant originaire d’Oueslatia, une bourgade proche de Kairouan, la quatrième ville sainte de l’islam, il avait été condamné à deux reprises en Tunisie pour consommati­on de cannabis et vol de voiture. Après avoir traversé la Méditerran­ée aux côtés d’autres migrants, il arrive en Italie en 2011. Violent, il est incarcéré pendant quatre ans pour avoir mis le feu à une école. C’est en prison qu’il se serait radicalisé. Une fois sa peine purgée, il est envoyé en centre de détention pour

Länder de ne plus hésiter à expulser les migrants qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié. Le 15 décembre, l’Allemagne a, pour la première fois, affrété un charter pour renvoyer 34 Afghans dans leur pays. Le gouverneme­nt fédéral s’est engagé, dans le cadre d’un accord signé par l’Union européenne, à allouer à l’Afghanista­n plus de 1,6 milliard d’euros d’ici à 2020, en échange d’un rapatrieme­nt plus rapide de ses ressortiss­ants. Kaboul a, de son côté, promis de fournir en moins de quatre semaines les papiers autorisant la reconduite de ses citoyens sur leur terre natale. « Nous voulons qu’en Afghanista­n les gens comprennen­t qu’ils doivent rester chez eux, a expliqué crûment le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière. Restez chez vous ou nous vous y renverrons ! »

Le gouverneme­nt fédéral a aussi décidé au début de l’année de classer « pays sûrs » le Maroc, la Tunisie et l’Algérie afin de montrer aux Maghrébins candidats au départ qu’ils n’ont aucune chance de rester en Allemagne. Mais cette loi, qui a été votée par les députés du Bundestag, a été bloquée par la être expulsé, mais la Tunisie refuse de fournir les papiers nécessaire­s à son rapatrieme­nt. Il est donc libéré et part immédiatem­ent pour l’Allemagne, où il tisse des liens avec des milieux islamistes situés en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Extrêmemen­t mobile, il se serait rapproché, selon des médias allemands, d’un ressortiss­ant irakien, Ahmad Abdulaziz Abdullah A., aujourd’hui incarcéré et qui recrutait des volontaire­s pour l’EI. Changeant à huit reprises d’identité, il est repéré par la police, qui le soupçonne de préparer un « acte menaçant la sûreté de l’Etat ». Mais, après six mois, les enquêteurs arrêtent leur surveillan­ce. En juin, la demande d’asile du jeune extrémiste est rejetée. Incarcéré dans un centre de détention à Ravensbour­g, il en ressort libre deux jours plus tard, car la Tunisie

chambre haute du Parlement. La chancelièr­e ne dispose pas, en effet, d’une majorité nette au Bundesrat et certains partis d’opposition, dont les Verts, ont refusé de soutenir ce texte. Angela Merkel pourrait profiter du climat actuel pour tenter de passer en force sur ce dossier. « Les Allemands vont demander que la vidéosurve­illance soit généralisé­e dans le pays ainsi qu’un renforceme­nt des contrôles aux frontières », avertit Klaus-Peter Sick. La chancelièr­e devra s’adapter à cette nouvelle donne comme elle l’a déjà fait tant de fois.

Autocritiq­ue. « Mutti » (« maman »), comme la surnomment ses concitoyen­s, sait en effet revenir sur ses pas en toute discrétion. Même si elle refuse les demandes répétées de la CSU de ne pas accepter plus de 200 000 réfugiés par an, elle a reconnu lors du récent congrès de son parti à Essen qu’ « une situation comme celle de l’été 2015 ne peut et ne doit pas se reproduire ». « Elle n’ouvrirait plus les frontières comme l’an dernier, pense Henrik Uterwedde. Elle a déjà fait son autocritiq­ue dans ce domaine. » refuse une nouvelle fois de fournir les autorisati­ons pour son extraditio­n. Ces papiers arriveront finalement en Allemagne le 21 décembre, soit… deux jours après l’attentat de Berlin.

Oublié son slogan, répété encore et toujours, « Wir schaffen das » ( « Nous y arriverons » ). La « chancelièr­e du monde libre », célébrée par le magazine américain Time, est rentrée dans le rang. Difficile d’imaginer qu’il y a quelques mois à peine les pronostics lui donnaient de bonnes chances d’obtenir le prix Nobel de la paix… La realpoliti­k a pris le dessus. Ce pragmatism­e devrait lui permettre de remporter un quatrième mandat lors des législativ­es du mois de septembre. « Je la vois gagner les prochaines élections sans aucun doute », tranche Olivier Giraud. A moins que…

« Deux obstacles pourraient l’en empêcher : une vague d’attentats meurtriers ou une attaque juste avant le scrutin risqueraie­nt de créer un mouvement de panique et d’avoir un impact sur le verdict des urnes, redoute Isabelle Bourgeois. Mais je n’y crois pas trop, la société allemande est si structurée… » Et puis la chancelièr­e rassure dans les périodes de crise. Son expérience et son flegme calment les craintes et pansent les plaies. Qui d’autre qu’une « maman » peut vous aider dans les coups durs ?

 ??  ?? Sous le choc. La famille d’Anis Amri en Tunisie, le 22 décembre. Au premier plan, sa mère portant son portrait.
Sous le choc. La famille d’Anis Amri en Tunisie, le 22 décembre. Au premier plan, sa mère portant son portrait.

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