Un an après les agressions de Cologne, le mouvement féministe est plus que jamais divisé sur l’islam et la laïcité.
Longtemps, pour tout progressiste soucieux de défendre l’égalité des sexes, les choses étaient simples : la burqa, au même titre que la pratique de l’excision, était un instrument moyenâgeux d’aliénation des femmes. Mais c’était avant qu’un certain nombre de sociologues ne sèment le trouble dans les rangs du féminisme en invitant à se débarrasser des schémas « postcoloniaux » et à considérer le voile intégral comme un « trend hypermoderne » – selon l’expression du chercheur Raphaël Liogier. Ainsi, Agnès De Féo, sociologue autoproclamée « 100 % féministe », a interrogé des dizaines de salafistes françaises portant le niqab et en a conclu que, loin d’être soumises, ces femmes seraient contre toute attente des… « hyperdominatrices » , des « superhéroïnes » de l’islam fondamentaliste imposant leur choix à leur conjoint, osant divorcer et bousculer les codes. « Elles racontent un sentiment de surpuissance » , dit la chercheuse. Les salafistes, des pétroleuses subversives ? L’argument fait bondir la laïque Caroline Fourest. « Ce n’est pas parce qu’une femme affirme quelque chose qu’elle est féministe ! Elle peut aussi dire des conneries, s’emporte-t-elle. Et lorsque le sociologue iranien Farhad Khosrokhavar évoque un féminisme djihadiste après l’affaire des bonbonnes de gaz, il manifeste un profond mépris pour la révolution intellectuelle du féminisme. »
Pas une semaine ou presque sans que les débats sur l’islam et la laïcité créent de nouveaux remous chez les féministes. En mars, alors qu’un débat sur les violences faites aux femmes doit se tenir à la mairie du 20e arrondissement, Frédérique Calandra, maire PS, en refuse l’accès à l’afro-féministe Rokhaya Diallo, « une idiote utile de l’intégrisme qui ne représente pas le féminisme » , selon elle. « Je ne suis pas une prosélyte, étant plus pro-choix que pro-voile, rétorque Diallo. Calandra a quand même été un soutien de Strauss-Kahn. Je n’ai pas de leçon de féminisme à recevoir d’une telle personne. » En avril, des étudiantes de Sciences po émoustillent les médias avec un « hijab day » visant à « démystifier un tissu » . Suivent la polémique sur la mode islamique puis celle sur le burkini, qui achève cet été de partager les féministes en trois camps : celles, comme l’avocate Yael Mellul, qui se positionnent farouchement contre ; celles, comme la Femen Inna
« Ce n’est pas parce qu’une femme affirme quelque chose qu’elle est féministe ! Elle peut aussi dire des conneries. » Caroline Fourest