Le Point

« Certains métiers peuvent être assumés par des gens sous contrat de droit privé »

L’économiste Philippe Aghion livre ses pistes pour réformer la fonction publique.

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARC VIGNAUD

Ancien professeur à Harvard, Philippe Aghion enseigne désormais au Collège de France. Le coauteur de « Changer de modèle, de nouvelles idées pour une nouvelle croissance » (Odile Jacob)* recommande de s’inspirer de ce qui a été mis en place en Suède ou encore au Canada.

Le Point : Vous plaidez inlassable­ment pour une réforme de l’Etat. Pourquoi ? Philippe Aghion :

Le problème de l’Etat en France, c’est qu’il est bien plus efficace quand il s’agit d’embêter les citoyens que lorsqu’il faut leur fournir des services. Je le mesure encore plus depuis que je suis rentré des Etats-Unis. Je vous livre un exemple personnel. Lorsque je veux organiser une conférence pour le Collège de France, nous devons apporter la preuve que l’hôtel où sont logés les conférenci­ers est le moins cher possible à la période donnée. Des gens sont payés pour vérifier ça… Autre exemple : je ne peux embaucher un assistant que sous contrat de droit public avec dix semaines de vacances par an ! Nous devrions pouvoir recruter sous contrat de droit privé. Autant dans la police, la justice ou pour des postes de professeur, on peut comprendre le statut, mais pour des assistants, des secrétaire­s dans l’administra­tion, il n’y a pas de raison qu’ils soient fonctionna­ires. Dernier exemple. Quand je fais refaire mon passeport, ça doit passer par Nantes parce que mes parents sont nés à l’étranger. C’est ridicule.

Vous préconisez de prendre exemple sur la réforme suédoise menée dans les années 1990…

départ : ils ont revu l’utilité de chaque poste. Ils se sont demandé s’ils ne pouvaient pas être assumés plus efficaceme­nt par le privé. Dans l’Education nationale, il ne faut certaineme­nt pas supprimer des postes de maître d’école. En revanche, certains métiers peuvent être assumés par des gens sous contrat de droit privé, surtout dans les communes où les 35 heures ne sont même pas respectées ! Il faut aussi augmenter impérative­ment la mobilité des fonctionna­ires. Jusqu’à présent, on a trop pratiqué la politique du coup de rabot, en taillant dans les effectifs, sans vision d’ensemble. Convergeon­s vers les meilleures pratiques des pays à haut niveau de protection sociale.

Pour vous, la réforme de l’Etat passe forcément par la réduction de notre millefeuil­le administra­tif… La réforme territoria­le de François Hollande a-t-elle été efficace ?

Pas du tout. La réforme n’a pas vraiment eu lieu, puisqu’elle n’a éliminé aucune strate administra­tive. On a juste regroupé 22 régions en 13 régions. On aurait mieux fait, par exemple, de supprimer des départemen­ts là où des métropoles se constituen­t. Il est aussi important d’avoir des compétence­s claires pour chaque niveau de collectivi­tés. Alain Juppé expliquait souvent que, pour la constructi­on de la ligne TGV Bordeaux, il avait fallu réunir une cinquantai­ne d’acteurs territoria­ux et nationaux ! Ce n’est pas sérieux, et c’est très inefficace.

Vous dénoncez un trop-plein d’organismes dans le domaine de la Sécurité sociale. A quoi pensez-vous ?

A ces multiples caisses d’assurance-maladie et de retraite. Il faudrait unifier les régimes de retraite. On n’a pas besoin des centaines de caisses existantes. Cependant, il ne faut pas procéder de manière brutale, mais par la négociatio­n

Avec Gilbert Cette et Elie Cohen.

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Balzac restait attaché au principe des 35 heures en 2 jours.
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