Quand le futur Nobel Pablo Neruda devient le héros d’une formidable course-poursuite dans le Chili de la dictature…
«J e n’ai pas réalisé ce film, je l’ai transpiré. Comme lorsque vous venez de faire l’amour. Ce n’est pas tant l’acte en soi qui m’intéresse que ce temps suspendu après l’orgasme, quand l’air est encore moite, chargé de sensualité. » Est-ce le fait d’être assis dans le fauteuil occupé par Pablo Neruda à l’ambassade du Chili entre 1971 et 1973 qui donne au réalisateur Pablo Larrain, 40 ans et déjà sept films, une telle verve ? Devant l’impressionnante bibliothèque du Nobel de littérature, avenue de la Motte-Picquet, à Paris, la jeune star du cinéma chilien dit être encore habité par son personnage. « Depuis le tournage, je ne peux plus lire que de la poésie. Le reste me paraît insipide… » Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, « Neruda » n’a, en effet, rien du biopic traditionnel, mais tout du thriller littéraire. « C’est même l’antibiopic », concède le réalisateur. On est au Chili en 1948 et, dans le contexte tendu de la guerre froide et d’un maccarthysme grandissant, le dictateur Gabriel Gonzalez Videla se retourne contre l’aile gauche de son gouvernement. De figure de proue, l’immense poète, sénateur et icône du communisme Pablo Neruda devient l’homme à abattre. Car il fait de la politique en s’armant de sa poésie, dont quelques vers suffisent à enflammer le coeur de milliers d’ouvriers qui pleurent en les récitant. Pendant plusieurs mois, Neruda va se cacher, éviter de justesse les arrestations, pour finalement réussir à s’exiler. On sait peu de chose de cette période de sa vie, et c’est dans ces interstices de mystère que Pablo Larrain a choisi de se glisser. « On ne voulait pas faire un film sur Neruda, mais plutôt un film nérudien, qui montre à quel point un artiste peut être dangereux, peut changer le monde et sa façon de penser… » Alors, on se laisse embarquer comme dans un roman d’aventures dans ce grand poème visuel, ce tableau aussi libre que fantasque auquel nous convie