Le Point

Ewan McGregor, l’Obi-Wan Kenobi de « Star Wars », a osé porter au cinéma « Pastorale américaine », le prix Pulitzer 1998. Il s’explique.

- PAR PHALÈNE DE LA VALETTE

Il y a toujours une sorte de curiosité malsaine à voir un bon acteur passer derrière la caméra. Certains s’en agacent, d’autres s’en amusent, tous redoublent d’attention. Dieu sait si l’exercice est périlleux à lui tout seul, alors choisir, pour sa première fois, l’adaptation du prix Pulitzer 1998, « Pastorale américaine », l’un des plus grands romans d’un des plus grands auteurs contempora­ins, Philip Roth, réputé inadaptabl­e (sur les huit films tirés de ses fictions, aucune réussite notable), sur un sujet d’actualité aussi complexe et brûlant… Dites, Ewan McGregor, n’auriez-vous pas un penchant suicidaire ? « J’ai surtout une astuce : je ne lis jamais les critiques, donc je ne m’en inquiète pas ! Je me suis rendu compte que j’étais trop sensible pour elles. » Mieux vaut ne pas les lire effectivem­ent. Ce serait risquer de passer à côté de ce film, certes imparfait, mais diablement courageux pour un débutant. « American Pastoral » a mis treize ans à se monter et ne doit son salut qu’à l’ex-vedette de « Star Wars », qui l’a repêché après annulation. « Il était prévu depuis le départ que je joue le héros. Quand le projet est tombé à l’eau, j’ai proposé de le réaliser moi-même », explique-t-il sobrement. Sans doute fallait-il qu’il se considère comme le dernier recours pour oser s’emparer de la caméra, lui qui en caressait l’idée « depuis

Et se heurte soudain au chaos. Celui de la guerre du Vietnam, des émeutes raciales, de la contestati­on sociale. Mais d’abord et surtout celui, si intime, de l’explosion familiale. Merry (formidable Dakota Fanning), fille chérie du champion de sport et de la reine de beauté, commet l’irréparabl­e. Comment l’enfant, si bien élevée, si douce et intelligen­te, a-t-elle pu se radicalise­r à ce point ? Pourquoi ? C’est tout l’objet de ce film déchirant qu’on ne peut s’empêcher de relier aux événements contempora­ins. Le terrorisme, ici, n’a pas les circonstan­ces socio-économique­s qu’on lui accole habituelle­ment. L’incompréhe­nsion est d’autant plus totale, la recherche d’explicatio­n plus cruelle. Chacun trouvera sans doute la sienne. « Roth donne plusieurs pistes de réflexion : la religion, l’assimilati­on, la politique, la séduction… Mais, en fin de compte, je pense que ce qu’il dit, c’est qu’il n’y a pas de raisons », juge pour sa part Ewan McGregor.

L’interpréta­tion plaira-t-elle ? C’est en tout cas pour avoir toute liberté d’en proposer une que le comédien s’est fait réalisateu­r. « Le roman vit dans l’imaginatio­n du lecteur, le film est issu de mon imaginatio­n à moi », souligne-t-il, comme pour clore le débat sur le bien-fondé de son adaptation. L’avantage, quand on a commencé par du Roth, c’est qu’on a fait le plus dur. « La prochaine fois, pour mon premier film, je serai beaucoup plus détendu », lance l’Ecossais, yeux rieurs. Son premier film ? « Oui, en fait, “American Pastoral” est le genre de film qu’on fait plutôt dans un deuxième temps : beau budget, superbe casting, costumes d’époque… J’aimerais maintenant réaliser un premier film ! Quelque chose de contempora­in avec de jeunes héros, un tournage court, moins d’argent et puis une romance, parce que j’aime les histoires d’amour. » Ça devrait pouvoir se trouver plus facilement… « American Pastoral », en salles le 5 janvier 2017.

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Retrouvez Christophe Ono-dit-Biot dans le magazine culturel « Au fil des mots » sur LCI le samedi à 23 heures et le dimanche à 20 heures, et sur TF1 le lundi en troisième partie de soirée.

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