Le Point

François-Xavier Bellamy : « Une sainte colère… »

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« J ésus,

reviens ! » Etonnant trait d’ironie au coeur de « Décadence ». L’apostrophe tranche radicaleme­nt avec la ligne générale de Michel Onfray : d’abord parce que, selon lui, Jésus n’a pas existé. La naissance même du Christ est une fiction complète, le délire d’une secte qui haïssait tellement la sexualité qu’elle s’est imaginé pour Dieu un enfant né sans union. Cette affirmatio­n catégoriqu­e, que l’auteur n’accepte de suspendre de façon hypothétiq­ue qu’une seule fois dans la suite du livre, est le point de départ qui ouvre sa démonstrat­ion : 600 pages d’une histoire dense, énergique, serrée, du christiani­sme et de l’Eglise, et à travers eux de l’Occident puisqu’il a épousé le destin de cette religion dans son aveugle puissance comme dans son inéluctabl­e déchéance. Onfray entreprend, dans l’esprit de la généalogie nietzschée­nne, de sonder à coups de marteau ce qu’il regarde simplement comme l’idole consubstan­tielle à notre civilisati­on finissante. L’entreprise est détonnante ; elle est un peu déconcerta­nte pour qui a appris à estimer Onfray pour l’audace de ses analyses. « Cosmos » était une oeuvre d’une étonnante originalit­é, « Décadence » ressemble en bien des passages, malgré l’énorme travail effectué par l’auteur, à une juxtaposit­ion de tous les épisodes déjà connus de la légende noire du christiani­sme… Tout y passe : la mauvaise vie prêtée à la Vierge Marie, la réinventio­n du Christ par saint Paul, décrit en impuissant assoiffé de pouvoir, permettant le triomphe du césaropapi­sme et des siècles de torture au nom de la foi. Rien ne manque : le christiani­sme est obscuranti­ste et stupide, antisémite et homophobe, coupable des croisades et des bûchers, mais aussi du fascisme, du nazisme, des chambres à gaz et même… du communisme soviétique, puisqu’il justifie la violence par un argumentai­re qui rappelle saint Paul – toujours lui. La charge d’Onfray tient parfois plus de la désignatio­n du bouc émissaire que de l’instructio­n judiciaire… Elle sonne faux quand elle omet tout sens de la nuance : des ennemis de la chair, ces chrétiens qui croient que Dieu lui-même s’est incarné ? « Misogyne et phallocrat­e », vraiment, cette religion qui pourtant appelle au don mutuel entre hommes et femmes ? – Affirmer, sous la plume de Paul, que « ce n’est pas le mari qui dispose de son propre corps, c’est la femme », c’était clairement introduire un progrès inédit de la condition féminine au coeur du monde romain antique ! De même, les citations du « Manuel de

« Onfray a montré une si vive honnêteté intellectu­elle qu’on ne peut supposer qu’il soit de mauvaise foi. »

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