L’anti-Petit Prince
Roman. Dès les premières lignes, le ton est donné : « Je n’aime pas ma grand-mère parce que je n’aime personne. Je suis un sauvage, on me le dit tout le temps. C’est pour ça qu’on m’apprécie, paraît-il. Mais je ne veux pas qu’on m’apprécie. Je veux qu’on me foute la paix. » Antoine, le narrateur, plus proche de « Poil de carotte » que du « Petit Prince », « un livre lèche-cul » , a 13 ans. « Treize ans ! Comment peut-on avoir 13 ans ? C’est un âge ridicule. » Papa est un Britannique de la haute qui n’aime que le plaisir, les chaussettes et Sa Clinquante Majesté la reine, à qui il voue un culte sans limites. Maman est une entrepreneuse surdouée (et bientôt ministre), en cure « chez les timbrés » après une dépression sévère (et une série d’adultères avec le tailleur, le parfumeur, le fleuriste, le garagiste, l’armurier ou le bottier de Monsieur). Catapulté dans un pensionnat en Suisse, Antoine passe ses vacances dans le chalet de montagne de sa grand-mère, une « artiste » , une rock star : « Beaucoup de succès. Très vulgaire. Une horreur », dit-il. Il y a du beau linge, au pied du Mont-Blanc, entre le nouveau mari de l’aïeule, le petit personnel façon « Downt o n Ab be y » , le s on c l e s étranges, et les parents, bien sûr. C’est une comédie féroce et croquignole, un portrait de famille tout hoffmannien (« Les autos tamponneuses »), récemment couronné par le prix Jean-Freustié. « Les mots, c’est fait pour se mentir », déclare Antoine. Sûrement. Mais c’est aussi fait pour raconter gaiement de bien jolies histoires tristes « Un enfant plein d’angoisse et très sage », de Stéphane Hoffmann (Albin Michel, 272 p., 18,50 €).