Le Point

Le jour où Hallier a voulu tuer Braudeau

-

«O ù ai-je connu le borgne ? Au Seuil, en 1969. » Dans son très beau livre « Place des Vosges », Michel Braudeau, de retour en librairie après une longue absence, revient sur la figure de Jean-Edern Hallier. Ce que ce livre retrace, en effet, ce sont les dix ans pendant lesquels le jeune Braudeau, qui vient alors de publier son premier roman au Seuil sous les auspices de Jean Cayrol, vit installé place des Vosges dans une chambre dont il a peint les murs avec une peinture d’or, très « bordel chinois », et dans une époque, les années 1970, où ce coin de Paris accueille un cocktail social assez stimulant, du bourgeois au prolo, de l’aristocrat­e fauché à l’activiste de choc. C’est le cas d’Hallier, qui, en ce temps, pilote son journal L’Idiot internatio­nal et s’envole pour l’Amérique du Sud. « Il s’était proposé à diverses organisati­ons françaises de gauche pour être le porteur d’une somme d’argent destinée à secourir les prisonnier­s de Pinochet », raconte Braudeau dans « Place des Vosges ». « Au Chili, il eut le projet de monter une agence de presse nommée Araucana pour relayer la voix des victimes du régime, mais on ne lui fit pas confiance parce qu’il détournait une part de l’argent en hôtels coûteux d’où il téléphonai­t aux résistants qui se cachaient sous de faux noms en les appelant par leurs noms véritables. » « Ayant embobiné une secrétaire chargée des fonds de la résistance, il s’était emparé du magot et s’était envolé pour le Brésil. Les Chiliens à ses trousses, il s’était frayé dans la forêt amazonienn­e un chemin hasardeux, guidé par des ornitholog­ues – du moins est-ce une des versions qu’il donna plus tard d’une équipée dont il revint avec des arcs

Newspapers in French

Newspapers from France