Chérèque, ou les vertus du plaquage

Au commencement était une bagarre. Dans les années 1970, avait-il raconté au Point, François Chérèque était venu prêter son physique de rugbyman à son frère, fondateur d’un syndicat étudiant à Villetaneuse. Ce dernier était aux prises avec des militants de la LCR – parmi lesquels Julien Dray – surgis pour faire de l’entrisme. Et le futur patron de la CFDT n’avait pas répugné à faire le coup de poing… Il faut croire que « modéré » ne signifie pas « mou ». François Chérèque vient de mourir, mais il laissera aussi cela en héritage, lui qui ne s’est jamais laissé intimider par ceux – y compris à la CFDT – qui jouaient encore au « grand soir ». Cet éducateur spécialisé auprès, notamment, d’enfants autistes était certes bien placé pour faire la différence entre attention aux autres et posture de générosité. Son réformisme et, en particulier, son accord avec François Fillon sur les retraites en 2003 lui ont valu les pires avanies, mais il n’a pas flanché. Au contraire, il a, comme Edmond Maire et Nicole Notat avant lui, régulièrement affronté les « frondeurs » de son syndicat. Si l’on était méchant, on mettrait en parallèle le sens du plaquage du rugbyman Chérèque et l’art de l’esquive de l’acrobate Hollande, qui a trop souvent, lui, composé avec son aile « grand-soiriste »… Pour autant, Hollande aura eu ce mérite : son grand alambic politique, entre esquisses de réforme (CICE, loi Macron, loi El Khomri) et reculs tactiques, a fini par clarifier – même contre son gré – les lignes troubles du PS. Le Bad Godesberg français, du nom de ce congrès du SPD allemand de 1959 qui marqua son ralliement à l’économie de marché, n’a pas vraiment eu lieu : il se décante doucement. Au prix, il est vrai, de déchirements et de désillusions électorales. A l’inverse, la méthode Chérèque a permis à la CFDT, aujourd’hui dirigée par Laurent Berger, de progresser régulièrement, jusqu’à menacer de dépasser la CGT. Une belle leçon pour les socialistes français