Didier Raoult, un scientifique face aux marchands de peur
Edition. Le recueil des tribunes du Pr Raoult écrites pour Le Point sort en librairie. Retour sur un parcours atypique.
Pour cogner les idées reçues, basculer les dogmes, tordre le cou aux marchands de peur, il faut avoir le cuir épais et un pedigree irréprochable. Le Pr Didier Raoult est parfaitement taillé pour l’aventure. A la tête du plus grand centre de recherche hospitalo-universitaire français consacré aux maladies infectieuses, il est aussi le microbiologiste le plus cité au monde et figure dans le Top 100 des scientifiques les plus influents.
A 64 ans, Didier Raoult a identifié 400 microbes, soit 20% des microbes connus chez l’homme. Dont quelques stars, comme Spoutnik, le premier virus virophage, c’est-à-dire capable d’infecter ses congénères, ce que l’on pensait impossible. « Il était établi une bonne fois que chaque organisme vivant est parasité par des virus qui lui sont propres », explique le microbiologiste. En analysant le génome de ce glouton, son équipe a montré que Spoutnik échangeait des gènes avec le virus infecté, et qu’il avait même piqué des gènes à d’autres virus. « Une théorie doit toujours pouvoir être questionnée, remise en cause, voire dépassée, sinon c’est de la croyance ! » commente Raoult. On lui doit aussi la découverte de Mimivirus, qui, comme son nom ne l’indique pas, est le plus grand virus connu à ce jour. « Je l’ai baptisé ainsi en clin d’oeil aux aventures de Mimi l’amibe. Le soir, afin de nous expliquer l’évolution, mon père médecin nous racontait, à moi et mes cinq frères et soeurs, comment Mimi l’amibe et ses copains avaient fabriqué les plantes, les animaux. »
Cancre et rebelle, le Pr Raoult n’avait « aucune vocation pour la médecine », mais « c’étaient les seules études que mon père acceptait de financer… ». Il a fini par attraper le virus d’Hippocrate, l’a transmis à ses deux filles et a même épousé une de ses anciennes étudiantes, devenue psychiatre. Lui qui, sitôt le bac – passé en candidat libre – en poche, a pris le large pendant deux ans pour travailler sur des bateaux en rêvant d’être capitaine au long cours explore désormais le monde infectieux, naviguant à contre-courant pour aborder les terrae incognitae de la microbiologie. Et, comme il a le goût de la vulgarisation, Didier Raoult écrit aussi pour le grand public, tout en publiant dans Le Point des chroniques tous azimuts, sur l’état de la recherche, l’hôpital, les vrais problèmes de santé, la climatologie ou le bioterrorisme. Des tribunes regroupées dans « Mieux vaut guérir que prédire », un livre qui se veut « l’antidote à la pire maladie du siècle : la peur ! »
pays développés, où elles se classent parmi les dix premières causes de mortalité ! En France, avec 10 000 à 25 000 décès par an, elles sont la septième cause de mortalité avant les accidents de la route. Et elles représentent un déficit de 4 milliards d’euros pour la Sécurité sociale. 60 à 80 % des infections nosocomiales sont transmises par des cathéters sanguins ou urinaires contaminés par les mains des soignants. (…) Sans parler des endoscopes mal désinfectés. Les différentes stratégies déployées jusqu’à présent, telles que les aérosols d’alcool installés à l’entrée des chambres ou au pied des lits, n’ont pas été très efficaces. La raison ? La faible adhésion du personnel aux mesures de décontamination : à peine 30 % des soignants se lavent les mains avant de toucher leurs patients. Les chirurgiens, qui passent un temps disproportionné à se nettoyer les mains à l’entrée du bloc, oublient cette règle d’hygiène lorsqu’ils visitent leurs malades en chambre.
La transparence à tout prix ? La consigne est devenue : « Il faut tout dire aux malades ». « Vous avez un cancer et votre espérance de vie est de deux mois » ou « Vous êtes en train de devenir gâteux, abandonnez votre travail ». Ces rapports nouveaux entre médecin et patient m’apparaissent, moi qui suis entre deux générations, comme blessants, voire sadiques, et d’aucune efficacité. Le médecin n’amortit plus la mauvaise nouvelle. Lui qui, autrefois, s’attribuait l’entière responsabilité de la maladie du patient considère désormais qu’il a le droit de déclamer des horreurs.
Le pire, c’est que cette vérité, dont l’intérêt médical est loin d’être évident, peut par la suite se révéler fausse ! Enfin, au nom de la pleine responsabilité et autonomie du patient à l’anglo-saxonne, nous ne pouvons plus prescrire des produits dont nous savons qu’ils n’ont pas d’efficacité chimique, même s’ils ont un intérêt pour le patient. Par ailleurs, le souci de transparence en ce qui concerne les médicaments interdit aux médecins de mentir sur l’efficacité présumée d’une prescription. Donc exit le placebo !