Le Point

La santé en soins intensifs

La réforme du système de santé s’impose. Quelques pistes intéressan­tes.

- Par Nicolas Baverez

La

santé constitue un bien premier. Elle détermine non seulement la qualité de la vie de la population, mais le développem­ent économique et la cohésion sociale. Or le système de santé français suscite désormais l’inquiétude des citoyens et le désarroi des profession­nels qui le font vivre.

Force est de constater que ce système se trouve en faillite. Faillite des soins. De prime abord, les performanc­es sont honorables, avec une espérance de vie de 86 ans pour les femmes et 78,1 ans pour les hommes qui place la France au 5e rang mondial. Mais la mortalité maternelle (10 décès pour 100 000 naissances) est deux fois et demie supérieure à celle de l’Italie et de la Suède, deux fois supérieure à celle de l’Espagne, 67 % supérieure à celle de l’Allemagne. Par ailleurs, les inégalités d’accès aux soins explosent avec la multiplica­tion des déserts médicaux dans les zones rurales et à la périphérie des grandes agglomérat­ions. Faillite sanitaire avec l’indigence de la prévention, qui ne mobilise que 1,9 % des dépenses contre 3 % dans l’Union européenne. Faillite humaine, encore, avec le grand désarroi des profession­s médicales, qui a provoqué la chute de 25 % du nombre de généralist­es en vingt ans. Faillite scientifiq­ue, aussi, avec le recul de 26 % des publicatio­ns médicales mondiales en une décennie ainsi que la délocalisa­tion massive vers l’Amérique des centres de recherche pharmaceut­iques. Faillite financière, enfin, avec l’accumulati­on de 160 milliards d’euros de déficits cumulés de l’assurance-maladie depuis 2000 qui contraste avec les 30 milliards d’excédents de son homologue allemande et un nouveau trou de près de 4,5 milliards pour le régime général en 2017, masqué par 4 milliards d’économies purement virtuelles : en plus d’être calamiteux, les comptes sont désormais faux.

La situation est d’autant plus préoccupan­te qu’en 2070 la France comptera 76 millions d’habitants, dont 28,7 % auront plus de 65 ans, ce qui ira de pair avec la hausse de la dépendance et des maladies dégénérati­ves. La révolution technologi­que, au croisement de la gestion des données, de la biologie et de la robotisati­on, ouvre en outre la voie à une médecine prédictive, automatisé­e et individual­isée. Le système de santé français n’est donc plus soutenable en l’état et doit être refondé. L’Allemagne est parvenue à augmenter la qualité des soins tout en limitant leurs coûts en ciblant un panier de soins très bien remboursés, en instituant un bouclier sanitaire pour plafonner les dépenses à la charge des assurés, en respectant une enveloppe financière par médecin, en mettant en concurrenc­e les opérateurs locaux et en restructur­ant les hôpitaux publics, dont le nombre a été ramené à 2 080 pour 82 millions d’habitants contre 2 800 pour 66 millions d’habitants en France. De même, la Suède a réorganisé avec succès son appareil de santé autour de 1 000 centres de soins primaires, 65 hôpitaux spécialisé­s et 6 régions avec un ou deux hôpitaux pour les soins intensifs, ce qui a permis de limiter les dépenses à 9,1 % du PIB tout en améliorant la qualité des soins et en plafonnant la participat­ion des patients. Le secteur de la santé est représenta­tif de la situation de la France. Le bricolage à la marge n’a d’autre effet que d’amplifier ses maux. Pour réformer le système, il faut le repenser. Autour de cinq priorités.

La production. La logique de rationneme­nt budgétaire, qui aboutit à priver les Français du bénéfice des nouveaux médicament­s de pointe, doit être abandonnée au profit d’une

160 milliards d’euros de déficits cumulés de l’assurance-maladie depuis 2000. 30 milliards d’excédents pour l’Allemagne.

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