Le Point

Le monde vu du Kremlin

Souveraine­té, Histoire, patriotism­e… Dès 2014, Poutine affirmait ses ambitions devant les parlementa­ires russes. Extraits d’un discours fondateur*.

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«Chers membres du Conseil de la Fédération, chers députés de la Douma, chers citoyens de Russie ! Si pour certains pays européens la fierté nationale est un concept oublié depuis longtemps et la souveraine­té relève du luxe, pour la Russie ce n’est pas le cas : une véritable souveraine­té est absolument nécessaire pour la survie du pays. Nous devons avoir cela à l’esprit à chaque instant. J’en suis convaincu : soit nous restons une nation souveraine, soit nous nous dissolvons sans laisser de traces et en perdant notre identité.

Les autres pays doivent eux aussi le comprendre. Tous les acteurs de la vie internatio­nale doivent eux aussi en être conscients. Le droit internatio­nal est fait pour défendre la souveraine­té de chacun plutôt que de se plier aux intérêts stratégiqu­es de certains pays.

(…) Il est impératif de respecter les intérêts légitimes de chacun des participan­ts au dialogue internatio­nal. Ce n’est pas avec des mitraillet­tes, des missiles ou des avions de combat mais avec la primauté du droit que nous pouvons protéger le monde d’un conflit sanglant. Ce n’est pas en effrayant les uns et les autres avec des menaces de sanctions que l’on évitera les conflits.

(…) La politique d’exclusion de la Russie n’a pas été inventée hier. Elle a été menée contre notre pays depuis de nombreuses années, depuis des décennies, sinon des siècles. En bref, chaque fois que quelqu’un pense que la Russie est devenue trop forte ou indépendan­te, ces mesures sont immédiatem­ent déployées contre elle pour l’isoler. mais tout cela est puéril !

La Russie sait résister à l’adversité, même quand elle est confrontée à des difficulté­s internes, comme ce fut le cas dans les années 1990 et au début des années 2000.

Nous nous souvenons bien de l’identité et des procédés de ceux qui, presque ouvertemen­t, ont à l’époque soutenu le séparatism­e et même le terrorisme en Russie. Ils ont parlé de meurtriers, dont les mains étaient tachées de sang, comme de « rebelles », et ont organisé des réceptions de haut niveau pour eux. Ces « rebelles » viennent d’ailleurs de se manifester récemment en Tchétchéni­e et je sais que les forces de l’ordre locales s’en occuperont de manière appropriée. Donnons-leur tout notre soutien. (…)

Je me souviens des réceptions de haut niveau organisées pour des terroriste­s présentés comme des combattant­s pour la liberté et la démocratie. C’est dans de telles circonstan­ces que nous avons réalisé que plus nous cédions du terrain, plus nos adversaire­s devenaient impudents, et leur comporteme­nt de plus en plus cynique et agressif.

Malgré notre ouverture sans précédent et notre volonté de coopérer sur tous les points, même sur les questions les plus sensibles, malgré le fait que nous considério­ns d’anciens adversaire­s comme des amis proches et même des alliés, le soutien occidental au séparatism­e en Russie, incluant un soutien politique et financier, en plus de ceui des services spéciaux, était évident et ne laissait aucun doute sur le fait que l’Occident serait heureux de laisser la Russie suivre le scénario yougoslave de désintégra­tion et de démantèlem­ent, avec toutes les retombées tragiques que cela entraînera­it pour le peuple russe.

« La politique d’exclusion de la Russie a été menée contre notre pays depuis de nombreuses années, depuis des décennies, sinon des siècles. »

Cela n’a pas fonctionné. Nous avons empêché que cela se produise. Tout comme nous avons mis en échec Hitler avec ses idées de haine des peuples, qui avait entrepris de détruire la Russie et de nous repousser au-delà de l’Oural. Tout le monde devrait se rappeler comment cela a fini. (…)

J’aimerais enfin parler de la question la plus grave : la sécurité internatio­nale. Depuis 2002, après que les Etats-Unis se sont unilatéral­ement retirés du traité ABM, qui était une pierre angulaire majeure de la sécurité internatio­nale et un équilibre stratégiqu­e des forces et de la stabilité, les Américains ont travaillé sans relâche à la création d’un système planétaire de défense antimissil­e, y compris en Europe. Cela constitue une menace non seulement pour la sécurité de la Russie mais pour le reste du monde – précisémen­t en raison de la pertubatio­n possible de l’équilibre stratégiqu­e des forces. (…) Nous n’avons nullement l’intention de nous engager dans une course aux armements coûteuse, mais en même temps nous devons garantir de manière fiable et efficace la défense de notre pays. Il n’y a absolument aucun doute à ce sujet.

La Russie a à la fois la capacité et les solutions innovantes pour cela. Personne ne pourra jamais dominer militairem­ent la Russie. Nous avons une armée moderne et prête au combat. Comme on dit actuelleme­nt, une armée courtoise mais redoutable. Nous avons la force, la volonté et le courage de protéger notre liberté.

Nous allons enfin garantir la diversité du monde. Nous dirons la vérité aux peuples à l’étranger, de sorte que tout le monde puisse voir l’image réelle et non déformée de la Russie. Nous allons promouvoir activement les affaires et les échanges humanitair­es, ainsi que les relations scientifiq­ues et culturelle­s. Nous le ferons même si certains gouverneme­nts tentent de créer un nouveau rideau de fer autour de la Russie.

Nous n’entrerons jamais dans la voie de l’auto-isolement, de la xénophobie, de la suspicion et de la recherche d’ennemis. Ce sont là des manifestat­ions de faiblesse, alors que nous sommes forts et confiants.

(…) A l’avenir, nous ne limiterons pas nos relations avec l’Europe ou l’Amérique. Nous allons restaurer et étendre nos liens traditionn­els avec l’Amérique du Sud et poursuivre notre coopératio­n avec l’Afrique et le Moyen-Orient.

Nous voyons à quelle vitesse l’Asie s’est développée au cours des dernières décennies. La Russie tirera pleinement parti de ce potentiel énorme.

Tout le monde connaît les dirigeants et les « moteurs » du développem­ent économique mondial. Beaucoup d’entre eux sont nos amis sincères et des partenaire­s stratégiqu­es.

(…) Comme cela a été le cas à plusieurs reprises lors des moments cruciaux de l’Histoire, notre peuple a clairement démontré la vitalité de son enthousias­me national, de sa résistance et de son patriotism­e (…) » Discours prononcé le 4 décembre 2014 au Kremlin.

 ??  ?? Déterminé. Vladimir Poutine en avril 2016 au Kremlin, avant une réunion préparant les commémorat­ions de la victoire sur l’Allemagne nazie.
Déterminé. Vladimir Poutine en avril 2016 au Kremlin, avant une réunion préparant les commémorat­ions de la victoire sur l’Allemagne nazie.

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