Marc Lambron, carnet de ball-trap
Vingt ans après, l’écrivain publie « Quarante ans », son journal de 1997, l’année de tous les désastres, transcendés par la littérature.
Lambron publie son journal. Celui de ses 40 ans. Vingt ans après. Veut-il cosigner ce livre avec le temps ? La réponse n’est pas dans le livre. Ou plutôt elle n’y est que trop : 40 ans n’est pas un âge, c’est une révolution. La fin de la jeunesse, c’est-à-dire de l’invincibilité. Il fallait y revenir. Sans toucher une ligne à ce qu’il avait écrit alors. C’est le pacte que l’auteur a signé avec lui-même, sans répandre plus de sang. Il avait suffisamment coulé, cette année-là. 1997 signe la mort du père, qui suit celle du frère. Signe aussi la mort du roman qu’il publie, quelques mois après, sur Vichy, la France, sa mauvaise conscience. « 1941 » est mis en pièces par la critique, façon carpet bombing. Tant pis pour les tueurs, la bonne herbe littéraire repousse toujours après les averses de napalm. On en a chaque semaine la preuve dans ces colonnes, sous sa plume véloce mais précise, ultraréférencée mais électrique comme les Stratocaster qu’il aime entendre gémir. « Quarante ans », livre des blessures ? Livre qui jouit, aussi. De l’air du temps, qui n’est jamais du temps perdu quand il est fixé par la littérature. Toujours, elle nous le rendra au centuple. Lambron fixe les bonheurs comme les malheurs : les silhouettes des femmes ( « Carole Bouquet et Kristin Scott-Thomas, sur la même ligne : pantalons flous et Nike aérodynamiques, cheveux courts ou tirés, pas de maquillage. Le genre : je pousse l’ultrachic urbain jusqu’au sportswear, parce que je reste divine dans la concession au style camping » ), les enfants qui grandissent ( « Anniversaire de Juliette, née le 26 août 1988. L’une des quelques dates par lesquelles ma vie aura été justifiée » ), la chair du père qui s’étiole, arrosée de morphine, et ne sera plus celle du père que dans le coeur du fils, où luit aussi le souvenir du frère. Faudra-t-il vivre pour deux, pour trois ? « Cette habitude que j’ai prise avec la maladie de Philippe, de vivre malgré tout, d’en remettre dans l’énergie, l’en-avant, les bruits du monde, de ne pas peser sur les enfants. Cette forme de