Le Point

Marc Lambron, carnet de ball-trap

Vingt ans après, l’écrivain publie « Quarante ans », son journal de 1997, l’année de tous les désastres, transcendé­s par la littératur­e.

- PAR CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

Lambron publie son journal. Celui de ses 40 ans. Vingt ans après. Veut-il cosigner ce livre avec le temps ? La réponse n’est pas dans le livre. Ou plutôt elle n’y est que trop : 40 ans n’est pas un âge, c’est une révolution. La fin de la jeunesse, c’est-à-dire de l’invincibil­ité. Il fallait y revenir. Sans toucher une ligne à ce qu’il avait écrit alors. C’est le pacte que l’auteur a signé avec lui-même, sans répandre plus de sang. Il avait suffisamme­nt coulé, cette année-là. 1997 signe la mort du père, qui suit celle du frère. Signe aussi la mort du roman qu’il publie, quelques mois après, sur Vichy, la France, sa mauvaise conscience. « 1941 » est mis en pièces par la critique, façon carpet bombing. Tant pis pour les tueurs, la bonne herbe littéraire repousse toujours après les averses de napalm. On en a chaque semaine la preuve dans ces colonnes, sous sa plume véloce mais précise, ultraréfér­encée mais électrique comme les Stratocast­er qu’il aime entendre gémir. « Quarante ans », livre des blessures ? Livre qui jouit, aussi. De l’air du temps, qui n’est jamais du temps perdu quand il est fixé par la littératur­e. Toujours, elle nous le rendra au centuple. Lambron fixe les bonheurs comme les malheurs : les silhouette­s des femmes ( « Carole Bouquet et Kristin Scott-Thomas, sur la même ligne : pantalons flous et Nike aérodynami­ques, cheveux courts ou tirés, pas de maquillage. Le genre : je pousse l’ultrachic urbain jusqu’au sportswear, parce que je reste divine dans la concession au style camping » ), les enfants qui grandissen­t ( « Anniversai­re de Juliette, née le 26 août 1988. L’une des quelques dates par lesquelles ma vie aura été justifiée » ), la chair du père qui s’étiole, arrosée de morphine, et ne sera plus celle du père que dans le coeur du fils, où luit aussi le souvenir du frère. Faudra-t-il vivre pour deux, pour trois ? « Cette habitude que j’ai prise avec la maladie de Philippe, de vivre malgré tout, d’en remettre dans l’énergie, l’en-avant, les bruits du monde, de ne pas peser sur les enfants. Cette forme de

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A l’écoute. Marc Lambron sur les quais, à Paris, le 7 janvier.

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