LES SECRETS DES ESPIONNES
Document. Tous les papes du Renseignement semblent s’accorder autour de l’idée – à faire hurler machos et féministes – que les femmes ont des qualités d’intuition, d’observation et d’analyse psychologique supérieures à celles des hommes. On ne saurait dès lors expliquer pourquoi l’imaginaire collectif continue de les associer à de somptueuses créatures flemingiennes surtout bonnes à coucher. D’autant que, comme le confie Tatiana, ancien agent « de l’Est » : « Au KGB, l’adultère était interdit. Avoir une relation extraconjugale aurait fait de moi une femme légère. Et les femmes légères, vous savez ce qu’ils en faisaient, au KGB ? Ils les envoyaient coucher avec les ambassadeurs étrangers. »
Pendant cinq ans, à Paris, Washington, Moscou, Tel-Aviv, la journaliste Chloé Aeberhardt a enquêté, négocié, patienté, séduit, courtisé, collé et parfois même payé « cibles » et intermédiaires. Au fond, elle a joué leur jeu, mais elle les a retrouvées, « ses » espionnes. Geneviève, Stella, Joanna, Gabriele, Ludmila, Yola. CIA, MI5, KGB, Mossad, DST, DGSE. Retraitées, paranos, pas toujours bavardes – « Brodez, racontez ce que vous voudrez » –, plutôt ménagères saut-de-lit qu’Ursula Andress sortie-debain (les lecteurs de « SAS » seront déçus)… mais racontant des histoires d’espionnage sidérantes (pas celles de Le Carré). Moins excitants dans l’échelle du fantasme, hélas : leurs destins de femmes. En rompant un trop long silence, même contractuel, Chloé Aeberhardt leur rend aussi hommage et justice
« Les espionnes racontent », de Chloé Aeberhardt (Robert Laffont, 304 p., 20 €).