« Imre Kertesz », la biographie de l’année
L’enquête que Clara Royer consacre au Prix Nobel de littérature (Actes Sud) remporte notre 16e prix de la Biographie. Il lui sera remis au Festival de la biographie de Nîmes (27-29 janvier), dont est partenaire. Devant « Simon Leys », « Raspoutine » ou «
« Imre Kertesz : “L’histoire de mes morts” », de Clara Royer
Comment un survivant d’Auschwitz et de Buchenwald, âgé de 16 ans, devient-il l’un des grands écrivains du siècle, Prix Nobel en 2002 ? C’est à cette lente et passionnante maturation du Hongrois Imre Kertesz qu’une jeune Française de 36 ans, Clara Royer, nous convie. Mystères d’un homme qui mit une dizaine d’années à sortir de « l’inconscience de ce qu’il avait vécu » pour avoir la révélation, en 1955, de ce qu’il devait faire. Journaliste lambda de la Hongrie stalinienne, puis auteur de coméd i e s music a l e s l é g è r e s , i l plongea alors en secret dans une mémoire créatrice pour en émerger en 1975 avec « Etre sans destin ».
L e d é b u t d ’ u n e oeuv r e unique sur l’infantilisation, la dépersonnalisation auxquelles mènent la Shoah mais aussi toute dictature. Se prendre en main, se redresser par l’écriture « envers et contre tout » . Voilà le coeur du réacteur de l’existence et de l’oeuvre, qui souv e nt ne f ont qu’ une c hez l’ironique Kertesz. Comme le montre bien Royer, il a toujours refusé dans ses livres la plainte comme l’horreur, par un taraudant souci de vérité qui blesse parfois le lecteur, auquel il épargne pourtant les pires atrocités. Dans cette volonté de démythifier la Shoah, on ne peut que retrouver une certaine parenté avec le film magyar « Le fils de Saul » – dont Clara Royer avait été justement la coscénariste –, Grand Prix du Festival de Cannes 2015 et vision iconoclaste des Sonderkommandos d’Auschwitz. Car cette Française entretient des liens privilégiés avec la Hongrie et sa langue, ce qui lui a permis de se présenter un jour de 2013 dans sa robe bleue face au monument Kertesz, point de départ d’une enquête littéraire nourrie à la lumière des entretiens qu’il lui a accordés. Raconter la vie pour mieux éclairer une oeuvre à (re)découvrir, où cet homme s’était tout entier recréé : le défi était de taille. Il est relevé avec fièvre, empathie et intelligence