Les classiques revisités
L’innovation technique se pare de carrosseries sculpturales. Pour entrevoir la voiture du futur, rendez-vous à Paris à l’exposition « Concept cars et design automobile ».
Les apparences sont parfois trompeuses. S’il apparaît acquis que la voiture du futur sera hybride ou électrique pour réduire son empreinte environnementale, potentiellement autonome pour se transformer en bureau mobile ou mieux, en salon roulant, ressemblera-t-elle pour autant à une bulle posée sur des roulettes façon Google Car ? Elle n’en prend pas le chemin si on en croit les concept cars exposés cette année encore aux Invalides à partir du 1er février.
Par exemple, la Renault Trezor au capot interminable ou la DS E-Tense aux allures de supercar ont beau être 100 % électriques, elles ne font pas table rase du passé. « Elles le recomposent pour inventer l’avenir », estime Stéphane Janin, concepteur de la Renault Trezor. Les raisons expliquant ce choix sont nombreuses. A une époque où le vintage fait florès, il s’agit pour les constructeurs de faire fructifier leur riche héritage stylistique plutôt que de le dilapider. « Inspirée des icônes automobiles des années 1960, la silhouette de Trezor a été dessinée pour provoquer un coup de foudre au premier regard », explique Stephane Janin. Pour son homologue Jean-Pierre Ploué, directeur du style des marques du groupe PSA (Peugeot, Citroën et DS), un concept car est là pour inspirer les futurs modèles de la marque et à ce titre il doit tenir compte de normes de sécurité de plus en plus contraignantes. Celles-ci imposent aux constructeurs non seulement de ménager une zone de déformation à l’avant de la voiture pour absorber l’énergie d’un choc éventuel, mais « surtout que celle-ci soit conçue pour limiter autant que possible les blessures des piétons. D’où la persistance du bon vieux capot ». Même si celui-ci n’est plus là pour recouvrir un moteur.
Dans le cas du concept Trezor, l’usage de cet élément de carrosserie a par exemple été détourné. Construit d’une pièce avec la verrière qui recouvre l’habitacle, il s’articule depuis l’avant de la voiture, pour permettre aux occupants d’accéder à bord, mais aussi pour charger leurs bagages. Dessinés sur mesure, ceux-ci viennent se sangler dans un compartiment conçu à cet effet devant le tableau de bord, à l’emplacement où se trouverait le moteur d’une voiture classique. Voilà un exemple de ce que le passage à la propulsion électrique permet d’inventer en termes d’architecture.
A l’intérieur aussi, l’innovation réside plus dans le détournement de matériaux traditionnels que dans le développement de nouveaux. Par exemple, travaillé comme de la fibre de carbone, le bois – en l’occurrence du frêne – devient structurel dans le coffre et l’habitacle de la Trezor. Dans la DS E-Tense, la structure de la planche de bord, qui sert aussi de support au grand écran tactile central, est en aluminium ajouré afin de l’alléger grâce à une fabrication en impression 3D, un procédé qui permet d’obtenir des formes jusque-là impossibles à réaliser, et que DS utilise déjà pour personnaliser ses modèles de série. Positionnée comme la marque de luxe du groupe PSA, DS fait aussi un usage étendu d’un cuir patiné et surpiqué façon « sellier de prestige » à l’intérieur de l’E-Tense, dont il recouvre la planche de bord ainsi que les sièges.
Pour que la forme de la voiture change plus radicalement, il faudra attendre une évolution de son usage. Selon Laurent Bouzige, qui anime le centre européen de design de Toyota, il est logique d’imaginer, à long terme, que la voiture soit partagée, en particulier en ville, pour éviter qu’elle ne reste comme aujourd’hui immobilisée 95 % de son cycle de vie. Et comme la forme suit la fonction, on devrait alors voir apparaître des voitures plus compactes et plus hautes afin d’être plus pratiques dans ce contexte. Enfin, lorsque la technologie de la conduite autonome aura atteint sa pleine maturité et fait ses preuves sur le plan de la sécurité – « on imagine qu’on pourrait parvenir à zéro crash en 2030 » –, alors la réglementation pourra évoluer à son tour, autorisant la suppression partielle ou totale des zones de déformation. Le designer aura d’autant plus de liberté pour dessiner sa voiture que les progrès techniques en termes de propulsion électrique