Le Point

Le cobaye de Trump

L’attitude du président américain à l’égard du Mexique présage de sa politique.

- Par Jean-Michel Blanquer

Le

9 septembre 2001, le président mexicain, Vicente Fox, était reçu par le président des Etats-Unis. George W. Bush déclarait que le Mexique était désormais le pays le plus important dans les relations internatio­nales des Etats-Unis. Dans un monde pacifique et prospère, il devenait plus pertinent de se concentrer sur son environnem­ent immédiat. Deux jours plus tard, le terrorisme allait changer l’ordre des priorités et nous faire passer dans une nouvelle ère des relations internatio­nales, plus incertaine sur le fond et plus brutale sur la forme.

Les premiers actes de Donald Trump vis-à-vis du Mexique confirment que nous avons changé de monde. Trump est de ce point de vue le dernier enfant de Ben Laden. Il a choisi logiquemen­t de commencer par le Mexique, car c’est ce qu’il y a de plus proche, de plus concret, de plus simple. Pourra-t-il offenser de la même façon le président chinois, provoquer les puissances mondiales sans susciter d’effet boomerang ? Ce qui se joue entre le Mexique et les Etats-Unis doit être observé avec attention en tant que test de cette nouvelle tweeto-diplomatie qui revendique la simplicité et l’immédiatet­é pour répondre à la colère du peuple.

S’agissant de l’immigratio­n mexicaine, Trump a fait du mur un symbole. En réalité, depuis les années 1990, les Etats-Unis ont su mener avec efficacité une politique de renforceme­nt de la frontière. Les Mexicains ne sont plus que 12 000 à la franchir chaque année et le flux dans l’autre sens serait désormais plus important. Le véritable risque vient plutôt d’autres pays, notamment en Amérique centrale. Les Etats-Unis ont justement besoin du Mexique pour endiguer cela ! En réalité, Trump aurait pu poursuivre le but légitime de mieux contrôler ses frontières en installant une coopératio­n plus étroite avec le Mexique. L’allongemen­t du mur était envisageab­le sans être considéré comme une agression. En exigeant que les Mexicains le paient, en multiplian­t les provocatio­ns, le locataire de la Maison-Blanche ne fait que ressuscite­r le ressentime­nt nationalis­te chez son voisin du sud, enraciné dans le fait que les Etats d’émigration des Mexicains ont été mexicains avant d’être conquis par les Etats-Unis au XIXe siècle… L’attitude de Trump crée désormais un phénomène d’union nationale autour du président, obligé d’avoir une attitude de fermeté face à l’offense.

Sur le plan économique, Trump pourrait aussi se trouver en situation de marquer contre son camp. Les intricatio­ns entre les industries des deux pays sont nombreuses. Elles ont permis des gains de productivi­té très importants dans les entreprise­s. Le Mexique fait partie des trois premiers partenaire­s commerciau­x des Etats-Unis, avec 600 milliards de dollars, ce qui le place dans une situation comparable à celle de la Chine et du Canada. Au moins 6 millions d’emplois aux Etats-Unis seraient directemen­t affectés par la fin du libre-échange avec le Mexique. En contestant désormais le traité qui unit les trois pays de l’Amérique du Nord depuis plus de vingt ans, Trump rejoint les positions du sous-commandant Marcos. Changer les règles peut avoir une séduction immédiate. Mais, comme souvent, la démagogie risque de se retourner contre les intérêts qu’elle prétend défendre

En contestant le traité qui unit l’Amérique du Nord, Trump rejoint les positions du sous-commandant Marcos.

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